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Passage en beauté

© Alliance Presse
Jean-Paul Maghakian a choisi un curieux métier: il embaume les morts. Une activité lugubre? Il considère plutôt sa profession comme une façon de témoigner. Portrait.

Jean-Paul, aujourd’hui marié et père de trois enfants, a grandi dans une ambiance chrétienne. C’est lors d’une réunion qu’à huit ans, il dit s’être donné à Jésus-Christ. Cette conversion précoce n’a pas abouti à une vocation précise pour autant. Quoique! Quelques années plus tard, alors qu’il est en plein cursus dans le Génie Civil, il s’interroge vraiment sur son avenir professionnel. C’est par hasard qu’il entend parler de la thanatopraxie. Intrigué, il s’intéresse à cette science, car c’en est une, et découvre un univers très particulier. Il explique: «La thanatopraxie est une pratique qui consiste à mettre en état de conservation et de présentation les personnes décédées, par des moyens actuels. On peut parler d’embaumement moderne». Pour les amateurs de la série américaine Six Pieds sous terre, cette profession n’a plus de secret. Mais pour la plupart de ses proches, lorsqu’il évoque son métier, Jean-Paul suscite, pour le moins, beaucoup de curiosité: «Souvent, les gens me regardent bizarrement en pensant que je plaisante. Puis, après l’étonnement le plus complet, les questions fusent: “Comment pouvez-vous faire ça? Vous ne faites pas trop de cauchemars la nuit? J’admire ce que vous faites. Il faut du courage, mais moi je ne pourrais pas. Cela consiste en quoi, vraiment?”»

Rendre un mort présentable
Quand on lui demande quel rapport il a avec la mort et avec le corps, Jean-Paul répond: «Le corps n’est qu’une enveloppe, mais il se dégrade vite après la mort, surtout quand il a subi des traitements lourds. En France, il y a la volonté de garder les corps dans une illusion de sommeil pour atténuer la réalité de la mort. Ce métier consiste à enlever du mieux possible tous les signes de la mort (rigidité, lividité cadavérique, coloration très cyanosée sur les parties déclives du corps et du visage) et à atténuer ou faire disparaître toutes les odeurs». Il ajoute: «Les familles ont besoin de savoir que le défunt n’a pas souffert avant de mourir, et le fait de voir un visage serein et apaisé les rassure. Ce métier m’apporte une certaine satisfaction par l’aide offerte aux familles endeuillées». Car parfois, il faut dépasser le stade d’un simple embaumement. «Je dois intervenir sur tous les types d’accidentés. Il faut alors constater l’état d’un corps et d’un visage et analyser les possibilités de restaurer ou pas. La priorité est de remettre en état le visage, parce que le corps peut être camouflé, bandé, couvert. Le travail devient un art quand on parvient à remodeler à la cire et à maquiller assez la personne pour qu’elle soit présentable.»
Ce travail est une certaine forme de témoignage. «Je sais que la mort n’est pas une fin en soi, mais un passage d’un état vers un autre. Elle nous rappelle indéniablement notre propre destinée et nous permet de nous poser les questions fondamentales sur la vie. C’est dans cet esprit que j’entends les mots de l’Ecclésiaste: “Mieux vaut se rendre dans une maison de deuil que dans celle où l’on festoie, car celle-là nous rappelle qu’elle est la fin de tout homme et il est bon d’y réfléchir pendant qu’on est en vie” (Ecc. 7, 2). Or, dans ces moments-là, les gens sont plus réceptifs aux vraies questions et parlent rarement de futilités.»

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui2015-03-23 – avril 2015

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