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«L’Eglise doit se saisir du charisme de l’évangéliste»

© Raphaël Anzenberger © DR
«Chaque Eglise son évangéliste» était le thème de la douzième édition du Forum des évangélistes européen, organisée pour la cinquième fois en France du 6 au 8 mars derniers, près de Lyon. Une édition 2020 plus intimiste, dont l’accent était porté vers le dialogue et les rencontres entre des évangélistes toujours en mal reconnaissance. Interview avec Raphaël Anzenberger, secrétaire général de France Evangélisation, et président du Forum des évangélistes de l'espace francophone.

Pourquoi avoir choisi le thème «Chaque Église son évangéliste! Entre mythe et réalité»? Il faut impérativement que l’Eglise se saisisse aujourd’hui du charisme de l’évangéliste que Jésus donne à son Eglise pour sa croissance et son bien-être. Les Eglises reconnaissent le ministère pastoral parce qu’elles sont conscientes du besoin d’avoir un bon berger. Les Eglises reconnaissent le ministère de docteur en théologie car elles ont conscience du besoin d’être bien enseignées. Les Eglises doivent reconnaître le ministère d’évangéliste au niveau local afin de mieux témoigner. Il ne s’agit pas de faire «à la place de», mais bien d’honorer ce charisme que Jésus donne à l’Eglise pour son bon fonctionnement. Peut-on quantifier les évangélistes en France? Quelle est leur évolution ces dix dernières années? En 2006, la France se lance dans l’organisation du Forum des évangélistes et lors de la première édition en 2007 à Saint-Albin où nous étions 70. C’était déjà extraordinaire, on ne savait pas qu’il y avait 70 évangélistes sur le territoire francophone européen. L’année suivante en Belgique la participation est montée à 150, puis 180, 200, 300 personnes. Cette année, le format était différent car nous avons voulu travailler autour de tables rondes sur la réflexion du ministère d’évangéliste. C’était un format peu plus cérébral et on a voulu limiter la rencontre à 160 personnes, alors qu’en en 2017 nous étions 300 à Vichy avec Ravi Zacharias. Il y a un renouvellement de près d’un tiers des participants, donc plus de 1000 évangélistes sont passés par les Forums ces dix dernières années. Quels sont les enjeux des Eglises en 2020? Le sondage réalisé par le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) sur la santé des Eglises révèle que d’un côté, elles sont conscientes qu’il faut évangéliser et que l’évangéliste a un rôle à jouer en tant que formateur dans l’Eglise locale pour l’aider à être plus pertinente dans son témoignage. Et de l’autre, le sondage montre qu’elles ne savent pas comment s’y prendre. Alors est-ce un problème de volonté politique ou sont-elles dans l’incapacité d’agir? Nous faisons le pari d’une volonté politique et nous travaillons avec ceux qui agissent. Mais si la sempiternelle boutade des évangéliques affublés du surnom «d’évangélistes» a profondément agacé mes collègues ces dix dernières années, ils reconnaissent aujourd’hui qu’en tant qu’évangéliques, ils sont aussi évangélistes. Cela fait partie de leur nature. On voit qu’il y a une volonté des Eglises à se saisir de ce temps d’incertitude, d’anxiété et de malaise social pour annoncer la Parole. Mais comment faire? Et comment l’Eglise, lorsqu’elle est dispersée en semaine, le fait-elle au travail? C’est un vaste champ qui n’est pas étudié. Peu de formations sont tournées vers ceux qui témoignent au travail. Certes le CNEF a réalisé l’opération «droit de le dire», où l’on a clarifié les frontières, car bien souvent les évangéliques s’auto-censuraient. Mais il faut faire davantage et on ne peut pas juste se satisfaire de campagnes où l’Eglise se rassemble juste le dimanche comme seul point temporel pour une évangélisation. Il faut que ce soit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Comment encourager les Eglises à travers ce Forum des évangélistes? Un des objectifs a toujours été d’être au croisement des oeuvres d’évangélisation, des fédérations d’Eglises, des Eglises locales et des instituts de formation. C’est pour cela que nous avions autour de tables rondes, la faculté Jean Calvin et des pasteurs. Il y a souvent de la compétition entre les oeuvres d’évangélisation. Le Forum est là pour éduquer l’Eglise, mais aussi éduquer les évangélistes. Cela ne passe pas seulement par la case de la méthodologie, il faut une conviction théologique. Aujourd’hui il y a urgence à évangéliser. Nikki Gamble, au Cap en 2010, disait : «nous croyons tous en l’importance d’évangéliser, mais peu d’entre nous sont persuadés de son urgence». C’est vraiment l’objectif du Forum des Evangélistes, rappeler l’urgence d’évangéliser. Deuxièmement, le FDE est là pour rappeler la place de l’évangéliste pour aider l’Eglise à faire sens de cet appel et de son mandat. Et troisièmement, il est là pour éduquer les pasteurs et les formations théologiques à ce ministère pour qu’il puisse s’articuler, afin que tous soient mieux équipés, en vue de l’oeuvre du ministère vers laquelle Dieu nous appelle. Après l’objectif des 100 évangélistes en dix ans, quels sont vos nouveaux projets? On aimerait que d’ici une dizaine d’années, un bon tiers de nos Eglises évangéliques en France aient une dynamique autour d’un évangéliste, «catalyseur-formateur» pour l’évangélisation. Ça serait extraordinaire. D’où le titre de ce forum «chaque Eglise son évangéliste, entre mythe ou réalité». Nous sommes dans l’audace. Si un bon tiers d’ici dix ans faisaient le pas, ce serait bien. C’est pour cela que France Evangélisation met sous emballage notre formation M2E (Multiplier les Evangélistes pour les Eglises) pour qu’elle soit déployée dans les Fédérations d’Eglises ou les pastorales de ville, sans forcément notre apport. Nous pensons que c’est en démultipliant et en donnant à l’Eglise ce moyen là de reconnaître ce ministère que la croissance s’accompagnera. Un dernier mot pour les Eglises et les évangélistes en sommeil? Peut-on se priver de quelque chose que Jésus donne? C’est une vraie question. On ne peut pas être de ceux qui se réclament du Livre et ne pas suivre ce que le Livre prescrit dans la théologie pratique. C’est souvent problématique. Il y a souvent, entre la théologie prêchée le dimanche matin et notre fonctionnement d’Eglise, des aberrations. Il faut se laisser interpeller par le texte. Eph 4,11 me semble limpide quant à la place de l’évangéliste dans la collaboration des ministères. Pour ceux qui ont un appel d’évangéliste, je leur dis: «vous n’êtes pas seuls». Même si c’est compliqué, nous souhaitons vous accompagner dans votre appel. France Evangélisation est là en particuliers, dans n’importe quelle modalité, n’importe quelle forme que prend votre ministère d’évangéliste. Enfin, je regrette qu’en tant qu’évangéliste nous ayons promu une certaine image d’évangéliste à laquelle les gens ne se sont pas reconnus: celle du prédicateur, un homme dans la quarantaine qui crie bien fort du haut de son pupitre. Je pense que nous avons notre part de responsabilité. Nous n’avons pas accueilli le ministère d’évangéliste dans toute sa diversité. C’est pour cela que nous avons écrit ce livre, L’évangéliste sous toutes ses formes (2013, éditions BLF) un peu comme un témoignage, une repentance des évangélistes envers d’autres évangélistes pour leur témoigner que tous sont accueillis au service du maître. Propos recueillis par Christelle Bankolé

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui mars 2020

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