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Un chrétien fidèle au poste… de son boss, ou de son Dieu?

Les changements professionnels sont de plus en plus nombreux dans un marché du travail toujours plus souple. Comment appréhender, d’un point de vue chrétien, cette mobilité? La fidélité n’est-elle pas à encourager? Pistes de réflexion.
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Les changements professionnels sont de plus en plus nombreux dans un marché du travail toujours plus souple. Comment appréhender, d’un point de vue chrétien, cette mobilité? La fidélité n’est-elle pas à encourager? Pistes de réflexion.
David Métreau

Travailler durant toute sa carrière professionnelle dans la même entreprise n’est plus la norme de nos jours. Les changements d’employeurs, de branche ou même de profession sont de plus en plus fréquents. Mais nos valeurs chrétiennes ne nous incitent-elles pas à prôner la loyauté et une vision à long terme?

Avec les bons motifs, tout est permis,

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«Travailler c’est un appel particulier», souligne en préambule Isabelle Bonningue, présidente de l’association ACSER, qui accompagne les personnes désirant mieux vivre leur vie professionnelle et personnelle. «En tant que chrétiens, nous sommes appelés à nous occuper du jardin, selon le mandat créationnel de Dieu. Si notre motivation c’est d’œuvrer pour la gloire de Dieu, si c’est de faire admirer le Seigneur Jésus, à partir de là tout est permis: faire carrière ou démissionner, évoluer, être femme au foyer, etc.», assure la médiatrice professionnelle. 

Avec l’engagement du baptême à l’esprit, les chrétiens ont tendance à oublier qu’un contrat de travail peut se rompre, se terminer, rappelle Isabelle Bonningue. «Ce n’est pas comme un mariage; il est prévu que ça se termine à un moment. Il faut arrêter de mettre autant la pression. C’est ce que je dis aussi à mes amis missionnaires qui, à 70 ans passés ont des scrupules à arrêter. Il n’y a pas de honte à arrêter quelque chose. Il y a différentes saisons dans la vie.» 

Les dangers d’une loyauté démesurée

Au travail, la loyauté excessive peut être de trois ordres: à la structure, aux projets ou aux personnes. «On peut être loyal envers la structure, notamment quand il y a une forte culture d’entreprise. Considérer par exemple sa structure comme son bébé, c’est apporter une confusion entre les personnes et son projet. Quand on accepte de se mettre en quatre pour une structure on s’expose au harcèlement, la structure n’ayant pas d’états d’âme.» La présidente d’ACSER pointe en outre les dangers de l’extrême loyauté aux projets, aussi enthousiasmants soient-ils, où l’on se persécute soi-même parfois jusqu’au burn-out.

Enfin la loyauté envers les personnes peut être déséquilibrée. «Vouloir sauver l’autre de ses difficultés, si c’est au dépens de soi-même, c’est mauvais. Il y a un ordre dans l’amour: d’abord Dieu, puis soi-même, puis son prochain.»

Ainsi, dans les avions, quand surviennent les turbulences et que les masques à oxygène tombent, les adultes sont invités à d’abord mettre le masque avant de le mettre à leurs enfants.  

Le temps permet de devenir compétent

La loyauté à son entreprise, du point de vue de l’employeur comme de celui du salarié, a aussi des avantages. Quand on reste longtemps, des relations peuvent se nouer, le fonctionnement est plus fluide et on peut soutenir ses collègues et collaborateurs dans leur évolution personnelle. «C’est au travers du temps que vont pouvoir se développer les relations et les compétences.»

Ainsi, les trois dimensions pour mener à bien un projet, la «sagesse, l’intelligence, et le savoir pour toutes sortes d’ouvrages» (Ex. 35, 30-31) dont était doté Betsaleel, rempli de l’Esprit Saint, pour construire le Tabernacle prennent du temps à s’acquérir. «Rester en poste assez longtemps permet d’être plus compétent.»

Un temps pour changer, un temps pour rester

Comment dès lors considérer la mobilité et le changement professionnel? «Si j’ai la conviction que Dieu me demande d’aller au contact d’autres personnes pour faire connaître la gloire du Seigneur Jésus, alors il n’y a pas à hésiter à changer», encourage Isabelle Bonningue.

Changer d’entreprise, d’univers professionnel ou de métier permet de multiplier les contacts et donc de faire bénéficier du sel et de la lumière, estime encore la responsable associative. «Quoi que l’on fasse, il y a des gains et des pertes. Est-ce le moment de laisser les personnes? Est-ce que notre mission auprès d’elles (collègues, employeurs, clients) est terminée? Nous devons chercher la conviction que Dieu nous donne.»

Mettre fin à une collaboration permet parfois de mettre un terme à une situation inacceptable, par exemple quand on n’a pas d’autre moyen de mettre fin à une persécution ou à un fonctionnement qui heurte profondément ses valeurs, mentionne encore la médiatrice. 

Changer de travail ou de métier, une recherche de bonheur

Les changements de cap radicaux (et parfois caricaturaux), comme cet ingénieur devenu charpentier ou cette chercheuse devenue bergère, de plus en plus répandus dans la jeune génération correspondent pour Isabelle Bonningue à une recherche de bonheur. «On se rend compte que dans la vie on est appelé à être heureux par l’équilibre de trois choses : du plaisir, des choses qui ont du sens, et des expériences valorisantes.» 

Ainsi chaque grand changement dans la vie doit selon elle susciter l’interrogation suivante: est-ce que ça va mieux construire mon bonheur? Est-ce que ce sera plus difficile mais me rendra fier de moi? Cela me donnera-t-il plus de sens? Est-ce que j’aurai de quoi me ressourcer dans le plaisir? De ces questions découlera un choix: celui de partir ou de rester, toujours pour la gloire de Dieu. 

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Octobre 2021

Dossier: Travail, foi et changement

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