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Sainte-Sophie redevient une mosquée, une perte symbolique

© iStockphoto
L’ancienne basilique orthodoxe Sainte-Sophie à Istanbul est officiellement redevenue une mosquée en juillet dernier. Sous couvert d’anonymat, un représentant de l’Alliance évangélique turque exprime sa tristesse et ses craintes pour l’avenir. Entretien.
David Métreau

L’ancienne basilique orthodoxe Sainte-Sophie à Istanbul, transformée en mosquée, puis en musée, est redevenue une mosquée le 10 juillet dernier. Un acte hautement symbolique que commente l’un des représentants de l’Alliance évangélique turque, souhaitant garder l’anonymat pour des raisons de sécurité.

En tant qu’évangélique de Turquie, quelle est votre réaction au retour de Sainte-Sophie au culte musulman?
Ma conviction est que ce choix est dangereux et malvenu. Je suis triste et les chrétiens évangéliques de Turquie sont évidemment attristés par cette décision. C’est d’abord une énorme perte pour la richesse historique de notre pays. J’aurais préféré que ça reste un musée. Mais c’est bien sûr un investissement, si je puis dire, du gouvernement en vue des prochaines élections. Les musulmans conservateurs voulaient que Sainte-Sophie redevienne une mosquée; ils l’ont obtenu. Ils voient cela comme une victoire, notamment contre les chrétiens. Mais ce changement reste aussi une blessure faite à l’histoire et à la culture.

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Comment interpréter un tel acte?
Selon ses propres lois, la Turquie doit être tolérante envers les minorités religieuses, leur permettre de vivre et d’exercer leur culte. Avec ce changement, les autorités montrent qu’elles n’ont aucune considération pour les chrétiens. Cela traduit une perte de cette tolérance religieuse pourtant inscrite dans la Constitution. Cette basilique byzantine transformée en mosquée par les Ottomans est devenue un musée grâce à Mustafa Kemal, premier président de la République de Turquie. Il souhaitait en faire un symbole de tolérance religieuse, d’une Turquie tournée vers l’Europe et l’Occident.

Pourquoi un tel changement?
Si l’on se remémore les paroles de Recep Tayyip Erdogan il y a un an et demi, on mesure le chemin parcouru en peu de temps. Il disait que faire de Sainte-Sophie une mosquée serait un piège avec des conséquences politiques imprévisibles, notamment au niveau international, un geste qu’il désapprouvait. Il a changé son agenda politique, car il s’agit bien d’une décision politique, bien que certains aient prétexté un manque de place et le besoin de davantage de lieux de culte musulmans. C’est évidemment faux. A Istanbul, dans le quartier du même nom, il y a déjà la mosquée Sultanahmet, juste à côté, qui n’est pas pleine. Il n’y a pas besoin d’un autre édifice musulman dans le secteur. D’ailleurs, beaucoup de mosquées ont été construites un peu partout ces dernières années.

Nous ne voulons pas être différents des autres.

Qu’attendez-vous du gouvernement?
En tant que chrétien, nous ne voulons que ce qu’il y a dans la loi. La Turquie se revendique en tant que pays démocratique avec la liberté religieuse. Nous avons la liberté religieuse de partager notre foi aux autres. Nous ne voulons pas être différents des autres.

L’Asie mineure a été une des premières régions touchées par l’Evangile. Mettez-vous cet héritage en avant dans vos cultes et prédications?
Oui, tout à fait. Beaucoup d’endroits mentionnés dans la Bible se trouvent dans ce qui est aujourd’hui la Turquie. Nous sommes persuadés que ce que Dieu a pu faire il y a 2000 ans dans ce pays, il peut le faire aujourd’hui. Il peut susciter ce réveil que nous attendons. C’est pour cela que je reste. 

Propos recueillis par David Métreau

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui septembre 2020

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