Minarets ou pas minarets?
Pour
Christian Bibollet
Cette question a d’abord une dimension culturelle. L’émergence d’une multitude de minarets dans notre paysage urbain confirmerait symboliquement la présence de communautés musulmanes en Suisse. L’arrivée d’un nouveau partenaire religieux inquiète. Cela d’autant plus que l’amalgame entre musulmans de Suisse et extrémistes musulmans est psychologiquement difficilement évitable. Mais interdire la construction de minarets n’empêcherait pas l’établissement de nouvelles mosquées. Ce qui est déterminant, c’est ce qui se dit et se fait dans les mosquées, et beaucoup moins la présence ou l’absence de minaret.
La construction de minarets a aussi un caractère politique. La Constitution donne aux autorités (art. 72 alinéa 2) la possibilité de prendre des mesures visant à assurer la paix religieuse. Mais il faut savoir que dans d’autres pays européens, la construction de minarets n’a pas été un problème en soi.
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Si on accepte le droit fondamental des musulmans à pratiquer leur religion et à en témoigner, cela inclut la liberté d’édifier des mosquées avec ou sans minaret. Ce qui est beaucoup plus important, c’est que les musulmans en Suisse ne se réclament pas seulement de la liberté religieuse que leur garantit la Constitution mais en acceptent toutes les autres libertés et obligations. Par exemple, la liberté pour des musulmans de changer de religion ou de s’exprimer de manière critique envers l’islam, droits que l’islam récuse.
Nos langues, habitudes alimentaires et goûts musicaux sont déjà influencés par les cultures arabo-musulmanes et les conversions à l’islam montrent bien que ce phénomène s’approfondit. Mais il serait tragique que les chrétiens prennent peur face à certaines évolutions inévitables dans un monde globalisé. Notre mission n’est pas de réduire la liberté religieuse des autres mais d’incarner l’espérance de Christ dans tous les types de société.
Christian Bibollet est le coordinateur du Groupe de travail sur l’islam du Réseau évangélique
Contre
Christian Waber
La Suisse est un îlot de paix et de prospérité. Ces acquis ont été possibles sur le fondement de valeurs chrétiennes et patriotes.
Il ne doit pas y avoir d’autres instances juridiques que celles instituées par l’État, que ce soit pour la charia ou des droits religieux particuliers. Afin de privilégier le bien commun, chacun doit accepter que les droits individuels soient parfois et légèrement limités. En tant que chrétiens, nous le savons et nous nous soumettons à ce cadre démocratique. Nous nous y conformons le plus possible, parfois à contre-cœur: la liberté de rassemblement n’est pas garantie dans tous les cas de figures, l’enseignement de la foi chrétienne est tronqué et la construction de lieux de culte évangéliques liés à de nombreuses obligations. D’autres religions sont elles aussi limitées dans l’expression de leurs rituels. Les juifs et les musulmans ne peuvent procéder à l’abattage rituel d’animaux qu’à certaines conditions et les hindous ne peuvent brûler les corps des défunts en public.
Des responsables musulmans en Suisse et sur le plan international reconnaissent que le minaret n’est pas nécessaire pour exprimer la foi musulmane. De nombreuses mosquées dans le monde, y compris dans les pays musulmans ou à Jérusalem, ont été construites sans minaret. Mais là où un minaret a été construit, on est en terre musulmane. Il est un symbole de pouvoir et non de foi. L’appel à la prière fait partie du concept même de minaret, même si aujourd’hui en Suisse, on fait comme si la question n’était pas d’actualité.
L’expression spirituelle de l’islam ne serait donc en rien restreinte si l’interdiction de construire des minarets était introduite en Suisse. Est-il nécessaire de rappeler que 83% des 350000 musulmans de Suisse ne pratiquent pas leur religion?
Les musulmans ont le droit de choisir leur religion et d’être protégés dans leur choix. Mais comme l’ont montré les récents exemples en Suisse allemande, chaque demande de permis de construire d’un minaret a menacé, ou tout au moins fragilisé la paix religieuse. Une interdiction de construire des minarets inscrite dans la loi constituerait un renforcement de notre démocratie.
Christian Waber est conseiller national UDF
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Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Juin 2007
Et après?
L’UDF, parti d’inspiration évangélique, s’est jointe à l’UDC pour le lancement d’une initiative populaire demandant l’interdiction de construire des minarets en Suisse. Les initiants ont dix-huit mois, jusqu’au 1er novembre 2008, pour récolter les 100?000 signatures nécessaires pour que la décision soit prise sous forme de votation populaire.
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