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Le coronavirus, un défi de plus pour l’Inde

© iStockphoto
On a beaucoup parlé, pour diverses raisons, de la Chine, puis de l’Europe et des Etats-Unis, mais c’est en Inde que les effets de la pandémie pourraient être les plus dévastateurs. Explications.
David Métreau

Lockdown ou fermeture complète. C’est le terme employé pour qualifier les mesures pour contrer l’épidémie en Inde. Celles-ci frappent par leur ampleur et leur brutalité. En effet, le 24 mars à vingt heures, le Premier ministre Modi a annoncé un confinement généralisé prenant effet à minuit, ne laissant que quatre heures aux Indiens pour s’organiser. De quoi provoquer «la plus grande destruction d’emplois en un seul coup jamais enregistrée dans l’Histoire», estime Yogendra Yadav, un militant anti-corruption et président de think-tank, dans une tribune publiée le 8 avril. Certains experts parlent de dizaines de millions de nouveaux chômeurs en Inde, où jusqu’à 85% de la population travaille dans l’économie informelle, «au noir», sans protection sociale et peu d’accès aux services de santé.

Travailleurs jetés sur les routes
«Plus que le virus lui-même, de nombreux travailleurs journaliers craignent de mourir de faim», rapporte Vijayesh Lal, secrétaire général de l’Alliance évangélique indienne. Il appelle les Eglises et les écoles chrétiennes désormais désertes à ouvrir leurs portes pour héberger une partie des travailleurs migrants «piégés» par le lockdown.
168 millions de travailleurs déplacés, la plupart originaires des régions les plus pauvres du pays et travailleurs journaliers se sont retrouvés sans ressources ni logement, les usines où ils dormaient après le labeur étant fermées. Des multitudes se sont retrouvées sur les routes pour retourner à pied dans leurs villages, parfois distants de plusieurs centaines de kilomètres. Ceux qui sont morts de faim ou d’épuisement les premiers jours équivalent presque au nombre de personnes alors infectées par le Covid-19 dans le pays.

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Le risque sanitaire est bien présent: début avril, les meilleurs médecins indiens avertissaient que le pays devait se préparer à faire face à une explosion de cas qui pourrait paralyser le système de santé, voire causer son effondrement. Dans des bidonvilles comme celui de Dharavi à Mumbai (800 000 habitants), la distanciation sociale préconisée est utopique.

La famine guette
Tout en demandant à ses membres de suivre les règles du confinement, l’Alliance évangélique indienne encourage à être attentif aux besoins des plus pauvres. Dans dix Etats, la faîtière évangélique a mis en place des programmes pour apporter de la nourriture. «Beaucoup de pasteurs et d’évangélistes dans les zones reculées de l’Inde n’ont pas non plus de quoi manger», signale Vijayesh Lal. Au niveau agricole, le confinement arrive au pire moment. Les cultures d’hiver (riz, blé, lentilles) sont récoltées et vendues entre avril et juin, qui est également la haute saison pour les fruits. C’est aussi à ce moment de l’année que les agriculteurs commencent à semer la récolte d’été: paddy, légumineuses, coton et canne à sucre. Une pénurie alimentaire est à craindre.

Violence interreligieuse inédite
Politiquement, le confinement survient alors que les minorités religieuses, en particulier les musulmans, subissent une pression extrême de la part des nationalistes hindous, de leurs alliés et de leurs milices. Fin février, des émeutes s’apparentant à des pogroms anti-musulmans ont embrasé les quartiers du nord-est de la capitale; une violence intercommunautaire inédite depuis près de deux décennies. «La violence contre les chrétiens a baissé mais n’a pas cessé avec le confinement», ajoute Vijayesh Lal. «Le gouvernement est extrêmement puissant. Les chrétiens se tiennent à carreau», confirme le directeur d’une mission sous couvert d’anonymat. «Notre organisation essaie de suivre le conseil de Mardochée à Esther: “Ne dévoile pas tout de suite qui tu es”», précise-t-il.
Le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), principale milice hindouiste, tente de se rendre indispensable en fournissant masques et nourriture dans une Inde confinée. Vijayesh Lal encourage ses concitoyens chrétiens à rejeter la peur qui prédomine pour «prendre la responsabilité de conduire la nation dans l’espérance». 

David Métreau

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui mai 2020

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