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«Connaître et faire connaître Christ, c’est le fondement quand tout s’écroule»

Le pasteur Edouard Nelson
© Eglise des Ternes
Pasteur et implanteur d’Eglise à Paris, Edouard Nelson est tragiquement décédé l’été dernier à l’âge de 45 ans. Il était passionné par l’annonce de l’Evangile et attentif aux préoccupations de ses contemporains. Son dernier livre «Plaidoyer pour la véritable liberté, égalité, fraternité» (éd. BLF) vient d’être publié. Entretien avec son épouse Laura Nelson.
David Métreau
Laura Nelson
© DRLaura Nelson

Comment vous et votre famille avez traversé ces derniers mois? Où puisez-vous votre force?

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Edouard était un mari et un père très présent et plein de tendresse. Il nous manque tous les jours et reconstruire notre vie de famille sans lui n’est pas facile, d’autant plus que nous n’en avons pas du tout envie. Nous essayons d’entretenir nos beaux souvenirs de lui et de les intégrer à notre nouveau fonctionnement, mais nous avons toujours le sentiment qu’on nous a arraché une jambe. Tout est bancal.

Face à la rupture terrible de la mort, c’est évident que l’espérance de l’Evangile est tout ce qui compte. La vie est éphémère, rien n’est sûr. Ce n’est pas pour autant que je ne vais plus jamais lire un roman ou encourager les enfants à voyager. Mais il y a une sorte de clarté de vision sur les priorités. Connaître et faire connaître Christ est la raison de notre existence. C’est le fondement qui tient quand tout s’écroule.

>> Edouard aimait les gens et l’Evangile<<

Je sais que Dieu est riche en bonté et que je peux lui faire confiance, même quand je ne comprends pas du tout ce qu’il fait. Alors par sa grâce et sa force nous prions qu’il nous permette de vivre chaque moment, chaque défi, chaque tristesse avec Jésus: apprendre ce qu’il veut nous apprendre, être transformés là où il veut nous transformer, être adoucis et moins centrés sur nous-mêmes. Je dis «nous» parce que, même si cette prière est d’abord la mienne, les enfants vivent pleinement ce processus avec moi. Nous sommes très soudés, nous lisons la Parole ensemble, nous partageons notre tristesse et notre espoir. C’est une grande source de joie pour moi de les voir grandir dans la foi. J’ai régulièrement envie de me tourner vers Edouard pour nous émerveiller ensemble. C’est dur de ne pas partager ces moments avec lui.

Dans quel contexte son dernier livre a-t-il été rédigé?

C’est un contexte à la fois familial, personnel, ecclésial et sociétal. Depuis 2002, nous habitons dans le 17e arrondissement de Paris, là où la famille d’Edouard est enracinée depuis des générations. Nous aimions notre quartier et nous avions un désir profond de partager Christ avec nos voisins. Après sept années de dîners, cafés, discussions au parc, anniversaires et avec le soutien de notre Eglise de la rue de Sèvres, nous avons pu implanter une Eglise dans le quartier: l’Eglise des Ternes.

Encore dix ans de dîners, mariages, soirées, discussions devant l’école et Edouard avait envie d’écrire un livre que nous pourrions offrir à nos voisins, qui s’adresserait à leurs idéaux et leurs déceptions, qui se servirait des concepts et des références qui leurs sont chers (littéraires, philosophiques, historiques, etc.) le tout en présentant le message de Jésus et sa pertinence pour leurs vies. Et non seulement nous voulions proposer ce genre de livre à nos voisins, mais nous souhaitions que nos paroissiens puissent lire, intégrer et offrir ce livre eux-mêmes à leurs proches.

>> Lire la recension de «Plaidoyer pour la véritable liberté, égalité, fraternité»<<

«Le Royaume de Dieu passe avant la République» a écrit votre mari. Comment expliquer cela à des non-croyants, surtout dans un contexte de crispation autour de la question de la laïcité et des «séparatismes»?

Le livre a été terminé et Edouard est décédé bien avant que le Président ne propose son projet de loi sur les séparatismes, ou que les attentats islamistes à l’automne n’intensifient le débat. Les chrétiens, un peu comme Jean Calvin avec François 1er, ont besoin de rassurer sur leur volonté d’honorer ceux qui gouvernent et d’être des citoyens fidèles qui œuvrent pour le bien de la République. La Bible nous incite à prier pour les autorités, à leur obéir.

Mais notre loyauté première est à Christ. Et heureusement! Parce que sa loi va beaucoup plus loin que les lois de la République. Les lois de la République visent à restreindre ou à gérer notre comportement pour le bien de la société. Le Royaume de Dieu change notre cœur pour que nous aimions véritablement nos voisins et même nos ennemis. C’est exactement ce dont la République a besoin et c’est l’opposé des extrémismes qui la menacent.

La devise de la République française semble un idéal inatteignable. Comment cela peut-il devenir réalité pour les chrétiens?

Regarder à Jésus. Le seul homme libre qui ait jamais existé, profondément libre et maître même lorsqu’on l’attachait à une croix ou qu’on le frappait. Autant à l’aise avec les riches qu’avec les pauvres, prêt à dire la vérité avec compassion à chacun et à chacune.

Il incarnait une vraie liberté, une profonde égalité et une sincère fraternité. Sans lui on va juste se heurter sans cesse à notre égoïsme inévitable. Mais si on le rencontre véritablement et qu’on le laisse habiter notre façon de penser, nos priorités, nos désirs alors il nous rendra aussi vraiment libres et, petit à petit, l’impensable devient réalité: notre première pensée sera pour lui, et pour les autres.

En tant que femme de pasteur je suis lucide sur le côté sombre de la vie d’Eglise, mais depuis le décès d’Edouard, la générosité, l’amour et l’abnégation de ma famille spirituelle ont laissé mes amis non croyants bouche bée. Cette fraternité correspond à ce qu’ils cherchent, et leur curiosité est attisée.

En quoi une relation personnelle avec Jésus est un remède aux maux de notre époque?

Mes premières impressions lorsque je rencontre un voisin ou une autre maman à l’école, c’est toujours «wow», ils ont une vie parfaite. Enfants coiffés et obéissants, carrière brillante, maison à la campagne pour les week-ends avec leurs enfants modèles; je suis intimidée. Mais après un après-midi au parc, un café ensemble, un week-end dans leur maison de campagne, on apprend que la famille vit de vives tensions, et que les uns et les autres sont frustrés au travail, déçus par la vie, anxieux par rapport aux enfants; fragiles comme nous. Mais il faut passer du temps ensemble pour le voir, et encore plus pour partager l’Evangile de manière pertinente et humble.

Nous sommes tous créés pour une relation personnelle avec Jésus. Et rien ni personne d’autre ne pourra nous combler. Le désir d’Edouard était de présenter cette possibilité de manière adaptée et respectueuse. Je prie pour que ce livre soit utile, qu’il permette de lancer ou d’approfondir cette discussion avec vos voisins vos amis. La présentation, la longueur, les recommandations (un ancien ministre, un conseiller de Paris, un évêque…), le style ; tout est conçu pour que ce soit un livre crédible à offrir.

Avez-vous des sujets de prières spécifiques ?

Je vous remercie. Pouvez-vous prier, comme Jésus nous encourage à le faire dans Matthieu 9,38, pour que Dieu suscite des serviteurs pour son Royaume. Le besoin est si pressant, la nouvelle si bonne et le temps si court. Edouard rêvait de voir des Eglises locales dans chaque quartier, chaque commune, engagées à annoncer et incarner l’amour du Christ. Le fonds créé en sa mémoire 2 Timothée 2.2 a pour but de contribuer à la formation d’une nouvelle génération de pasteurs, d’implanteurs d’Eglises et d’évangélistes. Et si vous souhaitez prier pour nous en tant que famille, ce serait pour avoir la grâce de nous appuyer entièrement sur Dieu dans notre fragilité et de le connaitre comme notre rocher et notre abri.

Propos recueillis par David Métreau

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Février 2021

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