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Le nationalisme chrétien est un péché.

Un pendentif en forme de croix placée sur un drapeau états-unien illustre le nationalisme chrétien
© DepositPhotos - SSilver
Tribune. Philippe Henchoz, pasteur de l'Eglise évangélique de Meyrin, dénonce une dérive qui instrumentalise la foi à des fins politiques. Il appelle à un retour aux fondements de l'Evangile, à un christianisme d'accueil, de justice et de guérison.
Philippe Henchoz

Alors, qu’est-ce qu’on fait? On serre les dents, on prend de la distance et on attend que ça passe? On se tait parce que c’est compliqué et que nous ne sommes plus habitués à la complexité? On scrolle, parce qu’au moins cela ne demande aucun engagement? On se dit que de toute façon, le monde entier va dans cette direction, celle de la polarisation? Et quand cela atteindra nos horizons, pour l’instant plus sereins (car cela arrivera!), il sera assez tôt pour réagir… ou pas?

Il y a des silences coupables, non? Des choses qu’en conscience, on ne peut pas taire.

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Ces heures sont difficiles – et pourtant je vis à un océan de distance. Difficiles, parce qu’il est douloureux d’entendre le nom auquel je me réfère (je suis chrétien évangélique), et les mots de mon quotidien, être utilisés pour tout et n’importe quoi: pour l’injustice et la violence abrutissantes, pour creuser des fossés, pour exclure ce qui ne rentre pas dans des plans politiques et culturels, pour flatter les replis les plus sombres.

Insupportable aussi de voir jour après jour les médias se repaître des contradictions et des excès… que nous leur servons.

A des années-lumière de la simplicité de l’Evangile et du Christ

Dur encore, de voir certains s’approprier et confisquer la foi chrétienne – ou plutôt une conception brouillée et réductrice de celle-ci – pour leurs desseins de division, d’uniformisation et de pouvoir. Tout cet étalage confiscatoire est à des années-lumière de la beauté, de la générosité, de la noblesse et de la simplicité de l’Evangile et du Christ qui m’ont cueilli et qui m’accompagnent.

Et voir, sous nos cieux et dans un contexte bien différent (heureusement!), un contexte qui – faut-il le rappeler? – a donné naissance au mouvement évangélique, certains relayer et valoriser ces postures me heurte profondément. Encore une fois, c’est si loin des intentions de Dieu, de l’Evangile, des paroles du Christ et de leur prolongation par les apôtres. Pauvres de nous qui avons filtré des moucherons et avalé des chameaux!



Pouvoir, culture et foi mélangés

Un christianisme qui mélange pouvoir, culture et foi me rebute au plus haut point. Il a déjà fait tant de dégâts dans l’Histoire – dans la tradition chrétienne comme dans d’autres religions – avec les conséquences que nous connaissons: illisibilité et rejet.

Le nationalisme chrétien est un péché. Commençons par là. La grâce de Dieu est sans frontière depuis le commencement. Tout ce qu’on lui retire vient du malin.

Le nationalisme chrétien déforme l’amour radical et la justice enseignés par Jésus, transformant la foi en un outil d’exclusion, de racisme et de suprématie.

Revendiquer le christianisme comme identité nationale, c’est abandonner l’appel à la solidarité avec les opprimés et les blessés. C’est troquer le pouvoir libérateur et restaurateur de l’Evangile contre des systèmes de domination où seuls les forts ont droit de cité.

Aux côtés des marginalisés

Le christianisme marche aux côtés des marginalisés: immigrés, pauvres, personnes en situation de handicap, personnes fragilisées temporairement ou durablement. Il rejette la violence et la division des idéologies nationalistes et sexistes. Notre foi nous appelle à l’humilité, à l’accueil, à la repentance et à la construction collective d’une communauté aimante et rayonnante, non à l’arrogance pécheresse d’une soi-disant «pureté nationale» qui pointe du doigt et exclut.

Oui, la justice est toujours intersectionnelle: elle relie les luttes de celles et ceux que la violence raciste, sexiste et nationaliste blesse. Le nationalisme chrétien est un péché parce qu’il trahit cette sainte solidarité. Ce n’est pas du christianisme, mais de l’idolâtrie – un veau d’or moderne. Et il faut lui résister, partout où l’amour est appelé justice. Car il ne peut y avoir d’amour sans justice. Nous sommes appelés à un christianisme de guérisseurs blessés. Une foi enracinée dans le soutien à celles et ceux que la société réduit au silence, rejette, condamne, moque, exclut, invisibilise.

Notre foi chrétienne est un témoignage en faveur de la justice. Jamais de l’exclusion.

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