Une paix ambiguë
Nous sommes ici pour changer le cours de l’Histoire. Nous faisons un pas «e géant vers un avenir dans lequel des personnes de toutes confessions et origines vivront ensemble dans la paix et la prospérité.» Le 15 septembre, devant la Maison Blanche, Donald Trump s’est félicité des accords signés entre Israël et les Emirats arabes unis (EAU) d’une part, et avec le Bahreïn d’autre part.
Pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, cette journée «apporte de l’espoir à tous les enfants d’Abraham». De son côté, le ministre des Affaires étrangères des EAU, Abdullah bin Zayed, a évoqué «une nouvelle tendance qui créera une meilleure voie pour le Moyen-Orient».
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Une normalisation stratégique
L’alliance entre Israéliens et Emiriens n’est pas nouvelle, observe Agnès Levallois, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique et vice-présidente de l’Iremmo. Depuis des années, les deux pays entretiennent des relations basées sur la sécurité et l’échange de renseignements.
«Les EAU savent qu’ils sont fragiles et ont besoin d’acheter des “assurances-vie” auprès des différents partenaires. Il y a dans cet accord avec Israël un intérêt stratégique, afin de bénéficier de cette coopération sécuritaire.» De plus, les Emirats espèrent aussi que le Congrès américain leur permettra d’obtenir des avions F-35 pour leur défense. En effet, les pays du Golfe ont pris conscience, après l’épisode des drones iraniens survolant des installations pétrolières saoudiennes, que les Américains ne les protégeraient pas militairement.
Par ailleurs, les Emirats et Israël »ont la même inquiétude au sujet de l’Iran. «Toute la richesse des EAU repose sur le fait d’être un pays sûr pour les investissements et qu’ils sont rentables. Mais l’Iran a montré qu’avec peu de moyens, il peut déstabiliser la région», analyse la spécialiste. Autre intérêt commun aux deux pays: éviter que de nouveaux pouvoirs politiques soient dominés par les Frères musulmans dans la région, comme au lendemain des printemps arabes. La petite monarchie du Bahreïn, explique encore Agnès Levallois, a simplement signé l’accord avec Israël sur demande de l’Arabie saoudite.
Pour la politique intérieure de Trump
Ces accords résultent-ils d’un changement de paradigme de l’administration de Donald Trump au Moyen-Orient? Selon Agnès Levallois, le président américain a surtout voulu montrer qu’il réussit sur la scène internationale, alors qu’il a échoué avec la Corée du nord et l’Iran. «Pour Donald Trump, c’est avant tout une opération de communication, de politique intérieure.»
Les urnes diront s’il a donné satisfaction à sa base évangélique et aux Juifs américains. Mais la spécialiste admet que le président américain a tenu les engagements pris lors de sa campagne de 2016 (transfert de l’ambassade à Jérusalem, «deal du siècle» et cette normalisation avec des pays arabes).
Différents accueils dans les trois pays
Responsable d’association en Israël, Gérald Fruhinsholz note que les accords ont été bien reçus dans l’Etat hébreu, même par l’opposition de gauche. Avec un bémol pour les Israéliens des implantations qui comptaient sur l’annexion de la Judée-Samarie promise par le Premier ministre.
Les Palestiniens, pour leur part, se sont sentis sur la touche et trahis par leurs amis arabes. Au Bahreïn par contre, où la population est majoritairement chiite, des manifestations ont dénoncé l’accord, signale Agnès Levallois. Et de poursuivre sur les Emirats: «La population émirienne, à qui on a “vendu” un accord sécuritaire, vit dans des conditions si confortables qu’elle n’a pas envie d’entrer en confrontation avec la famille royale.»
De plus, la jeune génération n’est pas vraiment concernée par la cause palestinienne, contrairement à l’Arabie saoudite. «La famille royale saoudienne sait qu’elle n’a aucun intérêt à s’engager aujourd’hui dans une reconnaissance officielle d’Israël car il lui faudrait gérer sa population.»
Une avancée vers la paix?
Des délégations israélienne et émirienne ont prévu de se rencontrer prochainement pour signer une série d’accords bilatéraux dans les domaines de l’investissement, du tourisme, de la technologie, de la sécurité et de la santé, entre autres, ainsi que pour superviser la création d’ambassades réciproques, indique Gérald Fruhinsholz: «On sait en outre qu’Oman est prêt à suivre la même démarche. Il est difficile de ne pas voir dans ces échanges entre Israël et le monde arabe un aspect bénéfique.» Pour Agnès Levallois, par contre, on ne peut pas parler d’avancée pour la paix car la question palestinienne à l’origine de la déstabilisation de la région n’est pas réglée. Par ailleurs, «dans leurs déclarations, les deux pays du Golfe ne parlent pas de la même chose qu’Israël: les premiers ont répété que l’accord implique l’arrêt de la colonisation alors que pour Israël, la colonisation est juste mise en pause.» Et d’expliquer que ces accords, comme ceux d’Oslo, peuvent être interprétés de façon radicalement différente par les signataires. «Tout cela ne participe pas à un plan régional dont l’objectif serait la paix, tant les ambiguités sont grandes», conclut Agnès Levallois.
____________________________________________________________Dans le sens de la prophétie biblique
Pour Gérald Fruhinsholz, ces accords vont dans le sens de la prophétie biblique. «Alors que Dieu a permis que le peuple Juif devienne une nation souveraine, il étend la notoriété d’Israël. Les anciens ennemis arabes ressentent le besoin de faire la paix avec un Etat qui peut leur offrir beaucoup, sur les plans sécuritaire et militaire en fonction de leur ennemi commun, l’Iran chiite.»
A ses yeux, une porte extraordinaire s’ouvre afin que la prophétie d’Esaïe 19, 23-25 s’accomplisse: «En ce même temps, il y aura une route d’Egypte en Assyrie (Irak, Syrie, Liban, Jordanie et territoires kurdes). Israël sera uni à l’Egypte et à l’Assyrie, et ces pays seront l’objet d’une bénédiction.»
Gérald Fruhinsholz entrevoit aussi une ouverture du monde arabe à la foi chrétienne: «Aux Emirats, dix-sept Eglises devraient ouvrir, a annoncé le sultan Alzaheri. Cette mesure permettra de légaliser des lieux de prière existant déjà dans le pays depuis trente ans», relaie-t-il. Et en 2017 déjà, le roi du Bahreïn avait publié une déclaration prônant la liberté de religion et rejetant l’extrémisme.