Simone Menezes: «La musique est une recherche de vérité»
Vos concerts ont été annulés en 2020 et 2021 en raison des restrictions sanitaires. Comment le vivez-vous personnellement?
Je le vis comme un moment de changement, de métanoia. Métanoia, en grec, signifie «changer de voie» et intègre la notion de repentance. Plus précisément, «Meta» signifie aussi «au-delà» et «noia» signifie «intellect» donc c’est voir au-delà de ce que l’intellect peut voir. J’apprends à changer la façon dont je vois la vie et fais les choses. C’est l’occasion pour chacun de faire cet exercice. Nous chrétiens affirmons vivre par la foi. C’est trouver un sens dans tout ce que l’on vit, et imaginer comment se réorganiser en fonction de cette nouvelle réalité. Aujourd’hui ma vision est la suivante: les concerts ne vont pas forcément revenir aussi vite que je le voudrais. Ils deviendront peut-être une expérience rare. Je considère donc chaque projet, chaque opportunité avec un sens très fort, ce que je ne faisais pas quand j’étais dans ma routine. Mon travail aujourd’hui se concentre sur la prochaine saison et je réfléchis en profondeur à son impact futur.
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Comment votre foi a-t-elle été mise à l’épreuve durant ces derniers mois?
C’était une période assez bénie. J’ai eu des moments de réflexion importante qui m’ont aidée à revenir à l’essence de la mission. J’ai eu la chance de suivre une formation sur la vision, la mission et notre identité. Cet exercice m’a beaucoup aidée à ne pas faire de confusion entre mon travail et mon identité. Mon travail est d’apporter les valeurs du Royaume. Je peux le faire dans le cadre d’un concert comme à travers d’autres moyens qui s’ouvrent à moi au quotidien. On est parfois attaché à un rôle. C’était une bénédiction d’y réfléchir au début du confinement, cela m’a donné plus de force pour imaginer l’après. Je ne pense pas qu’on reviendra à une normalité. Si on est dans cette attente, on peut vivre une crise d’identité. Je cherche à regarder le Seigneur et rechercher sa volonté et avancer.
Votre choix s’est d’ailleurs concentré sur le projet «Metanoia» ces derniers mois, quels sont vos autres projets en cours?
Je travaille sur un projet d’enregistrement et DVD avec mon Ensemble K pour octobre prochain et j’ai profité du confinement pour monter des projets sociaux pour des enfants autistes. J’essaie de me concentrer sur «Metanoia», un projet multidisciplinaire et multiculturel réalisé en France, Italie, Estonie et Allemagne. Il y a aussi le projet «Forêt d’Amazonie», un concert avec les images du grand photographe Sebastião Salgado, présentées pendant une partie du spectacle. La saison prochaine, j’aurai aussi des concerts avec l’Orchestre de la Radio de Berlin, Los Angeles Philharmonic, Orchestre de Munich, Saint Cecilia Orchestre à Rome, etc.
Votre collaboration avec le photographe écologiste et humaniste Sebastião Salgado n’est pas anodine. Faut-il là aussi y voir convergence de sens?
Oui tout à fait. Au départ, cela a commencé sur la base d’un projet artistique: ses images sont magnifiques et c’était un cadeau de servir avec lui. Il cherche également à poser du sens, de l’intentionnalité et beaucoup d’humanité dans son travail. Je crois sincèrement que notre rôle sur terre est celui de «sacerdoce royal», tels des ambassadeurs du Royaume. J’aime travailler avec des personnes qui convergent vers les valeurs auxquelles je crois.
Comment exprimez-vous votre spiritualité à travers la musique?
C’est toujours une recherche de vérité. La Bible dit que la vérité libère. Quand je prends une partition, je recherche toujours la vérité que l’auteur a voulu exprimer à travers sa douleur ou sa joie. C’est comme avec un texte biblique, la recherche de la vérité intègre le contexte. La pure virtuosité, c’est ennuyant. Il faut trouver la vie de la musique, la créativité,
la vérité!
Vous avez créé votre propre ensemble, l’ensemble K, en 2020. Quelle vision défendez-vous avec celui-ci?
K est un ensemble de musique classique qui cherche l’excellence, la créativité et qui travaille avec des musiciens avec une vision cosmopolite. J’essaye de partager les valeurs de bienveillance, vérité, joie, profondeur. Avec K, on essaye de créer un ensemble qui cultive des relations personnelles basées sur des valeurs fortes, entre musiciens de très haut niveau artistique. Je suis la seule chrétienne engagée, mais je ressens une vraie recherche de sens. Je pense que c’est l’une des caractéristiques de cette crise: les gens ont envie de travailler en vérité, dans une ambiance bienveillante. C’est cette qualité de relation que le public et les collaborateurs peuvent observer.
Quel dernier mot à l’adresse de ceux qui doutent face à la crise?
Le message que je peux transmettre, c’est que notre identité en Dieu ne change pas, ni la vérité de Dieu, ni l’appel qu’il peut nous partager sur le plan individuel. Cela peut changer la façon dont on va utiliser cet appel, cette identité dans des actions différentes, mais si on est fidèle avec cette recherche de qui est Dieu, on va trouver petit à petit notre chemin. Ensuite, la vision vient avant la provision, dans cette recherche de vérité.
Propos recueillis par Christelle Bankolé
Quelques dates clés
1977 Naissance à Sao Paolo, au Brésil.
2002 Diplômée de l’Unicamp.
1997 Création de son premier orchestre symphonique de jeunes au Brésil.
2008 Diplômée de l’Ecole normale
de musique de Paris.
2008-2012 De retour au Brésil, elle dirige l’Orchestre Symphonique de l’Unicamp et devient la deuxième femme titulaire d’un orchestre professionnel au Brésil.
2009 Sortie de son premier album.
2014 Naissance du projet «Villa-Lobos Project» avec la pianiste Sonia Rubinsky.
2015 Sortie d’un deuxième album.
2019 Deuxième prix du Mawoma European Maestra Women Competition à Vienne.
2021 Sortie de son album Accents (label Aparté) et du projet «Forêt Amazonienne» avec Philharmonie de Paris et Sebastião Salgado.