Le «mercato» des profs de théologie
Matthieu Richelle (photo à g.), professeur d’hébreu biblique et d’Ancien Testament à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine (FLTE), a été nommé professeur d’exégèse de l’Ancien Testament et d’hébreu à l’université catholique de Louvain-la-Neuve, en Belgique, à partir de septembre 2020. Son successeur à la FLTE sera Antony Perrot (photo à dr.), actuellement pasteur à Rolle en Suisse et chargé de cours à la HET-PRO.
Le recrutement de Matthieu Richelle est révélateur de «l’envergure de ses travaux sur l’Ancien Testament et du niveau que vise la FLTE pour ses enseignants et ses étudiants», commente Christophe Paya, doyen. Matthieu Richelle salue «un beau geste œcuménique» de ses futurs collègues.
Poussé à faire un doctorat
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A ce niveau de compétences (Ancien Testament, hébreu, araméen) et de diplômes (doctorat) les candidats ne sont pas nombreux. La FLTE encourage pourtant la formation aussi au niveau master et doctorat. C’est ainsi qu’elle a préparé le recrutement de Matthieu Richelle: «Des enseignants de la FLTE m’ont encouragé à faire un doctorat et m’ont pressenti pour succéder à Emile Nicole, qui allait partir à la retraite», se souvient-il.
La professionnalisante HET-PRO a récemment recruté un corps professoral complet. «Nous avons mis les postes au concours et bien nous en a pris. De nombreuses candidatures de qualité nous sont parvenues dont toutes n’étaient pas forcément connues», raconte son recteur Jean Decorvet.
Ce type de poste reste rare. Pour éviter le gâchis de doctorants en surnombre, Jean Decorvet propose de «créer un espace pour permettre aux docteurs en théologie non titularisés d’exprimer leurs talents comme chargés de cours ou comme intervenants» et plaide «pour que l’Eglise, au sens large, sache intégrer et utiliser les talents de docteurs en théologie.
Les enjeux d’une vocation
Antony Perrot a une vocation de pasteur-docteur. Quitter sa charge pastorale «a été un choix difficile». La vision de la FLTE de servir l’Eglise en formant les pasteurs à étudier sérieusement le texte biblique pour «répondre aux questions que les gens se posent aujourd’hui», a été déterminante. Cela lui a aussi permis d’accepter une rémunération moindre que les standards suisses, en ligne avec celle des pasteurs français. «Je n’en fais pas une fierté, mais cela permet d’être pertinent dans le dialogue avec les Eglises», signale-t-il.
Matthieu Richelle s’adressera surtout à des étudiants avancés. «J’ai un tropisme particulier pour la recherche et je n’ai pas été pasteur de paroisse, reconnaît-il. Je voulais continuer mon travail dans une université avec un fort accent sur la recherche et une totale liberté académique vis-à-vis de la critique biblique, que j’ai apprise à apprécier au fil des ans.»
Mobilité accrue
Ce changement de personnel à la FLTE, après le départ de Louis Schweitzer pour Lyon et celui d’Alain Nisus pour les Antilles, est-il le symptôme d’une nouvelle bougeotte chez les professeurs de théologie? Pour Christophe Paya, les deux personnalités précitées restent liées à l’institution et la tendance n’est pas au changement. En revanche, «les équipes enseignantes seront certainement plus mobiles dans l’avenir», selon le doyen. Une telle mobilité académique impliquera une participation accrue à la recherche internationale et un dialogue au-delà du milieu évangélique. A ce titre, Antony Perrot mentionne sa présence avec Matthieu Richelle à la rencontre annuelle de la Society of Biblical Literature à San Diego, grand-messe mondiale de la recherche biblique et théologique, comme une évolution positive.
«On observe un alignement des facultés évangéliques sur les normes de l’université, c’est réjouissant. Les nouveaux professeurs font tous une thèse de doctorat», souligne encore Matthieu Richelle. Toutefois, des spécificités demeurent: «Les professeurs de la FLTE ont le statut et le salaire de pasteurs. C’est différent du modèle universitaire», rappelle Christophe Paya. Un appel à aider ces enseignants, à Vaux et ailleurs, qui combinent activités académiques et service en Eglise.
Celia Evenson