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L’avortement n’est pas qu’une affaire de femmes

© Istockphoto
L’argument pro-choix semble donner tout le loisir à la femme d’avorter ou non. Mais ne révélerait-il pas plutôt la démission des hommes? Jean-René Moret, pasteur à Cologny, appelle à un choix qui en est vraiment un. Parti pris.

Toute discussion contemporaine sur l’avortement part du principe que c’est un droit de la femme et un gain pour les femmes. N’est-il pas une liberté durement conquise, un acquis glorieux des luttes féministes? Il n’en reste pas moins que c’est un acte qui n’est jamais choisi de gaieté de cœur, une réponse à une situation difficile, d’où le souhait qu’il soit «sûr, légal et rare». Assurément, l’avortement peut être vu comme une issue dans certaines circonstances, mais personne ne veut dans l’absolu vivre un avortement, personne ne cherche intentionnellement à créer les circonstances qui y mènent. Voir de très nombreuses femmes y avoir recours pose alors des questions sur l’état de nos sociétés.

L’avortement est devenu une solution

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En bref, l’idéal pour les femmes serait que l’avortement leur soit toujours possible mais jamais nécessaire (je fais ici abstraction de la question épineuse de droits pour le fœtus). Mais clamer sa possibilité dispense d’une certaine manière d’en réduire la nécessité, dédouane de soutenir une femme enceinte dans des circonstances difficiles.
En effet, l’entourage peut facilement se dire qu’«après tout, elle n’a qu’à avorter», au lieu de faire preuve de soutien et de compréhension. L’option de l’avortement, vue comme une banalité, permet de laisser la femme porter seule toute la responsabilité et les conséquences de l’un ou l’autre choix.

Elle porte le poids de la décision toute seule

Dans des sociétés moins individualistes, la femme enceinte et la jeune mère font partie des personnes que la collectivité va particulièrement soutenir et épauler. Bien sûr, l’Etat a des mesures de soutien, comme le congé maternité ou la prise en charge sans participation des frais médicaux liés à la grossesse et à l’accouchement. Mais cela reste impersonnel, or l’être humain est un être de relation, qui a besoin de la présence, de l’attention et du soutien des proches. La famille élargie, l’employeur et les autres cercles sociaux peuvent faire beaucoup pour rendre une naissance plus ou moins facile à gérer.
Surtout, tout enfant à naître a nécessairement un père, qui a trop souvent de nos jours le loisir de considérer que l’enfant est le problème de la femme. Puisqu’elle a le choix de le garder ou d’interrompre la grossesse, lui n’a pas à s’en préoccuper. Il fut un temps où les hommes de la bonne société se devaient au moins de faire entretenir leurs enfants illégitimes, et où une grossesse pouvait suffire à créer une obligation morale d’épouser la mère. Cela n’était certes pas la plus belle manière d’entrer dans le mariage (lieu d’amour, d’engagement mutuel et de responsabilité partagée), mais impliquait une vraie responsabilité pour le père, qui n’était pas vue comme optionnelle.
La mentalité qui fait du devenir de l’embryon une responsabilité purement individuelle de la femme permet surtout aux hommes de profiter du plaisir de la sexualité sans en assumer la responsabilité. La femme porte alors seule la charge mentale de la contraception, et du choix cornélien entre avortement et maternité si la contraception échoue. Il est presque coutumier de dire que seules celles qui possèdent un utérus peuvent s’exprimer sur la question de l’avortement, mais cette idée revient encore à laisser la femme porter la décision entièrement seule.

Pour que la femme soit vraiment gagnante

Peut-être faut-il un homme pour dire aux hommes qui laissent leur compagne, copine ou conquête seule face à la destinée de leur enfant commun qu’ils sont des chiffes-molles et des irresponsables! Et que la virilité ne se mesure pas au nombre des conquêtes, mais à la solidité et la fiabilité de l’engagement envers son conjoint.
Un homme qui veut véritablement donner un choix libre à son vis-à-vis doit tout faire pour lui montrer qu’il pourvoira aux nécessités matérielles, éducationnelles et émotionnelles de l’enfant s’il naît. Alors et alors seulement ce sera vraiment le choix de la femme.
Du reste, il est souvent soulevé que garder l’enfant a des conséquences à vie pour la femme, tandis que l’homme y échappe largement. On pourrait y remédier en instaurant une obligation paternelle d’élever l’enfant, convertible en éducation partagée ou participation financière sur décision de la mère, avec un test de paternité obligatoire pour les pères rétifs.
Alors les femmes seraient vraiment gagnantes, alors elles auraient vraiment le choix et tiendraient vraiment les cartes en main. Bien sûr, un tel degré de contrainte ne sera jamais accepté, mais l’idée montre en quoi banaliser l’option de l’avortement permet aux hommes de s’en tirer à bon compte.

Concluons en disant aux pro-choix que choisir entre avortement et détresse n’est pas un vrai choix, et aux pro-vies qu’il faut se préoccuper de la vie qu’auront l’enfant et ses parents, et non seulement d’arriver jusqu’à la naissance d’un enfant vivant. Alors ensemble, travaillons à une société où le moins possible de femmes voient venir une naissance avec désespoir, et nous, les hommes, voyons cela comme notre problème!

Jean-René Moret

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Décembre 2021

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