Dernière récréation: Précieuse leçon de vie (7)
La semaine sera dépaysante, se réjouit Clémence en découvrant ce lundi matin un petit cirque et des caravanes bien installés sur la place de l’école. Elle sait aussi ce que cela présage: l’inscription temporaire d’enfants du voyage. Et ils sont là! Ils l’attendent devant le portail. Clémence garde dans sa mémoire le souvenir d’un de ces petits, accroché à la poignée comme si elle allait s’envoler. Ils sont quatre. Jonathan, William et Pedro intégreront la maternelle. Clémence pressent que ce sera plus compliqué pour Graziella, la grande sœur, qui prend les devants:
– J’ai neuf ans. Je sais à peu près lire, mais j’ai pas envie qu’on me colle avec les petits. Maîtresse, s’il te plaît.
– Je suis maîtresse du CE1-CE2. Tu seras dans ma classe, rassure Clémence, qui a une bonne surprise, en évaluant «la nouvelle», comme disent les élèves. Ses lacunes ne portent que sur quelques sons compliqués. Ce qui fait dire à Jérémy, son voisin de table:
– Je suis à côté du maillon faible, en faisant allusion à un jeu de téléréalité où la présentatrice n’a de cesse d’humilier les participants.
Clémence voit rouge! Mais, dans la foulée, en gymnastique, la petite fille du cirque jongle avec les cerceaux, s’envole avec les rubans devant les enfants médusés. Une occasion en or pour confondre le petit méprisant:
– Tiens, Monsieur le maillon fort, choisis entre le ruban et le cerceau et fais comme Graziella.
– Non, maîtresse, je sais pas faire. J’aurais jamais dû dire ça!
Dans le silence, Clémence écrit au tableau: «Faites pour les autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous.» Les commentaires fusent:
– Si on veut que les autres soient gentils avec nous, il faut être gentil.
– Maîtresse, on peut remplacer «faire» par «dire», souffle Jérémy.
– On met en pratique, s’empresse de conclure Clémence.
A la fin de la semaine, Graziella a quitté la classe avec un cahier de liaison porteur d’un programme et un dessin de chaque enfant. «A l’année prochaine!» a écrit Jérémy sur le sien.
Clémence voit revenir Graziella.
– Maîtresse, regarde, mon cahier n’a pas d’étiquette. J’en ai fabriqué une.
Emue, Clémence a lu à voix haute «Graziella CE1-CE2».
– On peut encore lire les mots avec «ail», «euil» et «eil»?
– Bien sûr, Graziella! «trav-ail», «faut-euil», «sol-eil». Trois montagnes à gravir par la petite équilibriste de la vie pour ne plus trébucher.
Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui mars 2019
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