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Un état d’urgence doit-il être permanent?

© Istockphoto
Depuis plus d’un an, le monde est en crise. Mais cet état d’urgence peut-il durer indéfiniment? Quelle place pour le climat, l’économie ou encore l’état spirituel de la société? Un état d’urgence en révèle un autre. Parti pris.

En créant l’état d’urgence sanitaire, l’exécutif a cherché d’une part à susciter l’adhésion et la mobilisation de la nation et, d’autre part, à permettre l’octroi de pouvoirs extraordinaires aux autorités administratives, pour une durée toujours limitée dans le temps - une crise ne pouvant pas revêtir un caractère chronique.

La crise accentue les injustices

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Dans les démocraties en bonne santé, le législateur permet aux autorités de prendre des mesures exceptionnelles, mais il veille en même temps à encadrer juridiquement leur exercice, préconisant d’y mettre fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Mais ne faisons pas d’angélisme: la tentation peut exister de faire usage de certains pouvoirs d’exception, dans des circonstances qui n’ont pas de lien avec la déclaration initiale de l’état d’urgence.
Dans les démocraties fragiles, les contours éthiques sont plus flous, et les limites de l’acceptable souvent franchies. Dans son dernier rapport annuel, rendu public le 7 avril 2021, Amnesty International révèle que l’instauration de mesures d’exception a été instrumentalisée par de nombreux gouvernements pour porter atteinte aux Droits de l’homme.

Et c’est la crise, bien davantage que l’état d’urgence, qui accentue des injustices sociales déjà présentes: les inégalités de richesse entre pays ou à l’intérieur des frontières, entre hommes, femmes, ou bien entre ethnies, ont pratiquement toutes été aggravées à cause de la pandémie, au cours de l’année 2020.

Toujours selon le rapport, les mesures de confinement et de couvre-feu ont fait perdre leurs revenus en premier lieu aux personnes travaillant sans couverture sociale, dans l’économie informelle. 270 millions d’entre-elles, deux fois plus qu’en 2019, sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. Une partie des populations est donc soumise à une pression extrêmement forte, qui leur laisse peu de loisir pour analyser objectivement le bien-fondé des mesures de l’état d’urgence; parce qu’elles sont en état de survie économique.

Urgence de santé publique

En France, une semaine après les annonces du président Emmanuel Macron fin mars, un sondage Elabe montre que pour la majorité des Français, les nouvelles mesures anti-Covid ne sont ni cohérentes ni justes. Face à une fin de crise qui se dérobe sans cesse, près d’un Français sur cinq déclare qu’il ne respectera pas la limite de déplacement dans un rayon de dix kilomètres de son lieu de résidence. En Suisse, Le Matin a qualifié «d’émeute» la manifestation de Saint-Gall du 3 avril au cours de laquelle des jeunes ont exprimé leur colère contre les mesures sanitaires.

Pour Stéphanie Renard, Maître de Conférence en Droit Public et spécialiste de l’ordre public sanitaire, il semble qu’on arrive aujourd’hui à une urgence de santé publique qui n’est plus seulement liée à l’épidémie, mais aux réponses apportées à l’épidémie. Un état d’urgence doit-il être permanent? Nous voyons bien les limites de cet exercice, y compris dans son cadre sanitaire et vital. Mais la question est en réalité plus vaste.

Une augmentation de l’urgence

La rhétorique de l’urgence a progressivement envahi le champ social et existentiel, comme si le monde était entré dans une sorte d’élévation de la température de l’urgence. Avec le risque de la banalisation. Le fragile équilibre a été remis en question par l’irruption de cette pandémie et comme le souligne Agnès Callamard, la nouvelle Secrétaire Générale d’Amnesty International, «Il est difficile de ne pas éprouver un sentiment de péril imminent (d’urgence) lorsque l’on réfléchit à la crise d’une toute autre ampleur qui nous attend, pour laquelle il n’y aura pas de vaccin: la crise climatique.» L’urgence est partout.

L’urgence spirituelle

Le naturel est subordonné au spirituel: c’est une action spirituelle, dans le jardin d’Eden, qui a provoqué le basculement du naturel: «La Création a été livrée au pouvoir du néant» (Rom. 8, 20). Depuis, la vision biblique du monde consiste à présenter l’humanité comme étant confinée dans l’injustice. Même lorsque nous sommes au meilleur de nous-mêmes, au service de la meilleure de nos idéologies, en pratiquant la meilleure de nos philosophies, nous demeurons prisonniers du système de l’injustice, notre logiciel infesté par son virus. De là proviennent tous les dysfonctionnements dont souffre l’humanité: «Je ne parviens pas à faire le bien que je voudrais, et je déplore de faire le mal que je ne voudrais pas faire» (Rom. 7, 19).

Bien plus grave que le drame de la crise sanitaire - naturelle - à laquelle le monde est confronté, nous avons à déplorer depuis quelques d’années une vague mondiale de déchristianisation, couplée à un déclin alarmant de la connaissance biblique parmi les croyants pratiquants. Ce recul spirituel, que les prophéties bibliques ont prévu et appellent «apostasie», annonce un recul moral des sociétés tel qu’il n’aura jamais été constaté dans de telles proportions dans l’histoire de l’humanité. Une bonne raison de décréter un état d’urgence spirituel.

Jérôme Prekel, animateur du site de réflexion et d’édification chrétienne Le Sarment

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mai 2021

Dossier: Pandémie et liberté
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