Un sacré coup de filet
Écoute, mon gars, je sais que j’ai parfois tendance à exagérer, mais moi je te le dis, foi de Simon, pêcheur professionnel à Capernaüm : ce qui est arrivé ce matin, c’est jamais arrivé depuis avant qu’Abraham débarque dans le coin avec ses chameaux !
Figure-toi que ce matin, j’étais sur la plage en train de nettoyer les filets avec Jean et Jacques. On n’avait pas trop le moral. Depuis plusieurs jours, la pêche est mauvaise mais cette nuit, c’était pire que tout. Pas un seul poisson, pas la moindre petite sardine, pas le plus petit barbeau, rien! Cela fait longtemps que ce n’était plus arrivé. Pourtant, on a tout essayé, on a changé de coin plusieurs fois, on a lancé le trémail, l’épervier, mais quand le poisson est pas là, que veux-tu qu’on fasse?
Bref, on était donc à laver les filets quand Jésus se pointe avec toute une équipe. Je l’aime bien Jésus, mais moi, la religion, c’est pas tellement mon fort. Et voilà-t-i’ pas qu’il s’arrête devant moi et me demande de le prendre dans la barque pendant qu’il cause aux gens. Cela ne m’arrangeait pas trop! J’avais pas fini avec les filets et puis avec Jacques et Jean, on voulait encore passer à l’auberge, histoire de se rafraîchir un coup. Mais bon, je ne pouvais pas lui refuser. Alors je me suis levé et j’ai mis la barque à l’eau. T’aurais dû voir Jacques qui se marrait doucement en me regardant. Pour être coincé, j’étais coincé!
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Me voilà donc à dix mètres du bord avec mon bateau et Jésus qui cause. Et quand il est lancé… Moi, j’écoute vaguement tout en grattant les fonds. Il parle d’histoires de royaume, de redevenir comme des enfants, d’amour. C’est beau ce qu’il dit, mais j’arrive pas trop à me sentir concerné. Des trucs de rabbins. Moi, je suis dans le concret. La vie, c’est trouver du poisson pour nourrir sa famille.
Il a fini par s’arrêter et c’est alors que le truc incroyable est arrivé. Figure-toi qu’il me regarde et me dit comme ça : «Avance un peu vers le large et jette ton filet!». Moi, je vais pas le contrarier, mais je lui dis quand même poliment qu’on a pêché toute la nuit. Je connais mon métier et quand il n’y a rien, il n’y a rien! Au-dedans, je me disais : non mais, pour qui il se prend ?
Alors je jette le filet et là, bingo! Le filet est plein, bourré à craquer et que ça gigote et que ça éclabousse et pas des petits, des beaux poissons! J’y croyais pas! Je me tourne vers Jésus et il était là à me regarder avec un petit sourire tranquille. Alors j’ai compris, d’un coup. Tout ce qu’il disait devait être vrai aussi. Du coup, j’ai tout lâché, tout! Les filets, le bateau, les copains… Je pars avec lui! Je vais me faire pêcheur d’homme, comme il dit!
Pierre-Yves Zwahlen
Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Février 2009
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