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Redonner son sens «au nom de Jésus-Christ»

L'édito de l'édition de juillet - août 2023
Maude Burkhalter

«Au nom de Jésus-Christ» est sûrement la dernière phrase que l’on aurait souhaité entendre sortir de la bouche de l’agresseur au couteau au matin du 8 juin dans une aire de jeux d’Annecy. A l’heure d’écrire ces lignes, le pronostic vital des six victimes n’est heureusement plus engagé. Le geste de ce ressortissant syrien arrivé en France fin 2022 depuis la Suède n’est pas sans nous replonger brutalement dans l’actualité des attaques perpétrées contre des enfants. Proche de chez nous, on se souvient de l’attentat de l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse qui avait fait quatre morts en 2012, dont trois jeunes enfants, ou de la prise d’otage d’une classe de maternelle il y a trente ans à Neuilly. Moins proche de chez nous, l’actualité est malheureusement plus dense. Le 5 avril dernier, quatre enfants ont été tués dans une crèche brésilienne, et aux Etats-Unis, on dénombre déjà plus de deux cents fusillades de masse rien que pour 2023.

Le héros pèlerin

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Le trouble qui est venu briser le paysage type carte postale annécien en cette matinée de juin aurait pu être pire, si un certain Henri D. n’était pas intervenu. En utilisant son sac à dos pour se protéger des attaques de l’assaillant, il riposte et le poursuit, assez pour que celui-ci se sente menacé et perturbé dans sa course macabre. En l’espace de quelques heures, ce jeune homme dans la vingtaine devient le héros d’une nation sous le choc. Henri D. est un pèlerin, un amoureux des cathédrales, lit-on à son sujet. Parti à pied fin mars, sac au dos, il fait le tour des cathédrales de France pendant neuf mois. On le découvre à la recherche de la beauté des églises, d’un bâtiment religieux à un autre; il partage à ses abonnés ses découvertes et son émerveillement. Et son chemin l’a mené au bon moment, au bon endroit.

Si c’est bel et bien de la bouche de l’assaillant que l’on a entendu «au nom de Jésus-Christ», ce sont pourtant les actes de ce jeune pèlerin qui en ont démontré la définition. Henri D. marchait d’une cathédrale à une autre et la symbolique est forte, si on la permet. Nous nous rendons dans nos lieux de culte, non pas pour y rester, mais bel et bien pour en sortir. L’étymologie du mot latin mittere qui a donné le mot «messe» signifie d’ailleurs «envoyer» et est à l’origine du mot «mission». Au sortir de son lieu de culte, Henri D. était en mission et celle-ci l’a conduit à la rencontre des enfants, des plus vulnérables, de ceux à propos desquels Jésus nous exhorte par ces mots: «soyez comme eux» (Mat. 19, 14). Il a pris leur défense et s’est montré courageux. Il n’a pas reculé devant le danger.

Juste après les faits, Henri D., encore bouleversé, est resté proche de la place de jeux et s’est mis à prier pour les victimes, selon son propre témoignage. Etre au bon endroit au bon moment nous est donné à tous, pour que nos actes embrassent finalement dans toute leur portée les mots «au nom de Jésus-Christ», en rupture évidente avec les gestes violents commis à Annecy. Il s’agit d’un «au nom de Jésus-Christ» tel que nous le comprenons dans les Ecritures, à la suite de celui qui s’est mis au service de ses disciples, qui a défendu les plus faibles et qui nous montre, encore aujourd’hui, le témoignage d’une vie qui se donne.

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Juillet – Août 2023

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