Agitation (Psaume 2)

Les peuples s’agitent, je les entends gronder, la rumeur monte de la terre, ici même où j’habite, on s’affaire, on complote contre le Seigneur, on dénigre le Messie, on s’en moque, on l’ignore, dans les bas-fonds comme en haut lieu, on brise les liens, on conteste presque tout pour presque rien, on recherche l’or, on se fait la guerre, on veut s’aimer, on fixe des repères, on vise le sommet, on s’invente des moteurs et des ressorts, on veut aller plus loin et plus haut, tout cela sans Dieu ni maître, sans l’Oint le grand Prêtre du Très-Haut: les dominants et les dominés, tous rejettent sa domination.

De son trône, là-haut, le Seigneur contemple les humains et leurs œuvres, il garde l’œil sur les rois-reines et les princes-princesses, les président(e)s et les ministres(ses). Il rit de les voir s’agiter en vain, de céder au stress; il se moque des vauriens, il observe leurs sombres manœuvres, il se défie de ces homo sapiens, des sages peu sages et des sulfureux alchimistes; il leur parle avec irritation, il ne prend pas des pincettes, il laisse éclater son indignation.

Les peuples tremblent, ils s’agitent encore, ils s’opposent entre eux, ils défient le Seigneur Dieu, ils entendent sa voix, ils ont peur, ils refusent de le voir, de reconnaître le Roi consacré sur la montagne sainte, à Sion.

Après l’épreuve de la réclusion, j’entends la rumeur qui enfle, je vois qu’on s’agite dans les rues; on déboulonne les statues, on rechigne au travail, on prétexte la tension; plus rien qui vaille, je sens venir l’ébullition.

Dieu parle, cependant, on l’entend d’une extrémité à l’autre des nations, il proclame que ce Roi qu’il a choisi, Jésus le Messie, est son Fils, qu’il est son Père; il règne à sa droite, tout lui appartient; il lui accorde ce qu’il demande, il exerce son pouvoir sur les peuples, il les façonne comme le potier agile pétrit l’argile; il ne met aucune limite à sa domination.

Eh bien ! clame le prophète, vous tous qui croyez régner sur votre morceau de terre, le petit lot qui vous est échu, montrez donc un peu de bon sens, ne restez pas déchus, sortez de ci-dessous, reprenez le dessus! Pour une fois, faites preuve d’un peu d’intelligence, écoutez ces avertissements, rendez hommage au Fils, acceptez la correction.

Servez, poursuit le poète, le bon et grand Dieu, aimant et redoutable, le Fils élu de toute éternité, exigeant et secourable, le Roi-Messie de justice et de paix. Reconnaissez l’autorité du Seigneur: la terre lui appartient. Aimez le serviteur, car il a obéi avec amour: il s’est soumis jusqu’à la mort, il a pris sur lui nos torts, toutes nos peines, il s’est offert en sacrifice de kippour; il est revenu à la vie le troisième jour pour nous donner vie, pour nous redonner de l’oxygène et réduire la fermentation.

Ne pas reconnaître ce juste et bon Roi-Messie, tenir ses paroles pour des inepties, nous fait courir un grand risque: il pourrait laisser libre cours à sa juste colère, pour parler à la façon des humains, nous livrer à une dernière rixe. Qu’importe ! clament les fous qui s’en moquent, qui mettent le monde sens dessus dessous. Ce sont de dangereux cinoques : dans une marmite avec le feu en dessous, ils mijotent un mauvais plat qui sent le remugle au-dessus; plus on le remue, plus il chauffe, les molécules s’agitent, on craint la surchauffe. Le monde est en ébullition, Seigneur! Je t’en supplie, calme cette agitation! 

Frédéric Baudin, Variations sur les mots -Sion (éd. CEM)

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Février 2022

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