Pour contrer l’inflation… la générosité?

Bonne nouvelle: l’inflation mondiale devrait régulièrement reculer, de 8,7% en 2022 à 6,9% en 2023, puis à 5,8% en 2024, selon le rapport «Perspectives de l’économie mondiale» d’octobre 2023 du Fonds monétaire international (FMI). L’inflation, qui produit une augmentation générale et durable des prix, devrait donc se tasser et même refluer en 2024.
Fêter avec des pincettes
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Pas question pour autant de crier si tôt victoire sur l’inflation, tempère Joachim Nagel, président de la Bundesbank et membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE). En effet, dans un entretien au journal chypriote I Kathimeriní début décembre, il mentionne notamment un scénario où une escalade des tensions géopolitiques pourrait impliquer une inflation plus élevée. Les points rouges qui s’allument sur la carte des conflits dans le monde – Israël et Gaza mais plus largement le Proche-Orient, la Russie et l’Ukraine, le Venezuela et le Guyana… – ne font qu’inciter à la prudence.
Si en Suisse, l’inflation est nettement moins élevée que dans les pays de la zone euro et reste dans l’objectif défini par la Banque nationale suisse – soit entre 0% et 2% –, la hausse des loyers pourrait toutefois entraîner une augmentation des prix au premier trimestre 2024, analyse Oddo BHF. En effet, cette évolution est corrélée à une hausse des taux bancaires, elle-même mise en place pour réguler ou arrêter l’inflation…
En réponse à celle-ci, l’augmentation des taux d’intérêt a eu des conséquences négatives sur la production économique, donc les revenus et par conséquent, sur la demande globale. «C’était l’effet recherché. Cela aurait pu être pire. On peut se réjouir de la diminution de l’inflation, car c’est un retour à la stabilité du pouvoir d’achat», commente l’économiste chrétien Daniel Depelteau, ancien directeur du Forum des Hommes. «En conséquence, le taux d’intérêt devrait diminuer également avec un certain décalage dans le temps», ajoute-t-il.
Une inflation liée à l’ingérence étatique
Mais quelle est la raison de cette inflation? «La hausse du pétrole a bon dos, de même que la guerre en Ukraine», rétorque Daniel Depelteau. «Mais pour répondre sur un plan strictement théorique, l’économiste Milton Friedman disait en 1970: “L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire parce qu’elle est et ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production.” Maurice Allais, prix Nobel d’économie en 1988, a démontré que les manières dont on détermine les taux d’intérêt, les prix et la monnaie sont liées.»
Ainsi, pour expliquer l’inflation actuelle, l’économiste revient sur un événement survenu en mars 2020: «Au début de la crise sanitaire, la Réserve fédérale américaine avait réduit ses taux à 0% et inondé le marché de liquidités et de dollars. La masse monétaire a augmenté. Si les taux d’intérêt étaient demeurés stables, il n’y aurait pas eu d’inflation.»
Depuis 1971 et la fin du Gold standard exchange et la convertibilité du dollar – monnaie de référence –en or, la masse monétaire est devenue énorme, décrit Kurt Buehlmann. Celui-ci est président d’Alliance-CH, une coopérative qui conseille et offre la possibilité d’investir dans diverses «valeurs bibliques qui résisteront à toute dévaluation», selon lui. «Les banques créent de la monnaie scripturaire, produite seulement par ordinateur, sans vraies contre-valeurs comme pouvaient l’être l’or et l’argent. Seulement 3% à 5% de la monnaie en circulation est physique. Cette monnaie surabondante est une “monnaie de singe” (monnaie d’échange non convertible, ndlr). Aussi longtemps que les gens font confiance à cette monnaie, cela fonctionne, mais on arrive à ses limites.»
La remontée des taux d’intérêt, qui rend l’accès au crédit plus cher aussi bien pour les particuliers que pour les institutions, freine la consommation et limite donc l’inflation. Mais pour Kurt Buehlmann, la tendance à long terme reste incertaine: «Quand on produit de la monnaie ex nihilo (à partir de rien, ndlr) pour financer le déficit de l’Etat dans un pays surendetté, on risque de déclencher une hyperinflation. Et à partir de ce moment, on ne contrôle plus rien.»
Des valeurs refuges
Face aux incertitudes du monde, le président d’Alliance-CH préconise d’investir «dans des valeurs qui appartiennent au Royaume de Dieu». Et cela commence selon lui par investir dans l’humain; soutenir des missionnaires, des pasteurs, les plus démunis, etc. «Si je soutiens déjà un missionnaire, que je donne à l’Eglise et qu’il me reste de l’épargne, que faire avec le reste? J’encourage à investir dans l’agriculture. On peut lire dans la Bible qu’Abraham, Joseph ou Job étaient des propriétaires terriens. Et je trouve que l’agriculture est négligée par l’Etat, que ce soit en France ou en Suisse. Les agriculteurs ne reçoivent pas le juste prix de leur travail.» L’immobilier reste également pour lui une valeur refuge.
Investir dans ce qui ne se périme pas, c’est aussi «investir dans des entreprises gérées selon les principes bibliques, qui proposent de la qualité et ont des valeurs d’honnêteté, de générosité et versent une partie de leur bénéfice pour aider les plus faibles», selon Kurt Buehlmann.
Pour lui, les chrétiens devraient aussi, selon leur moyens, acheter de l’argent et de l’or sous forme de pièces et de lingots. «L’enseignement biblique est très clair», assure Kurt Buehlmann, «quand il y avait des famines et que les gens payaient des prix complètement fous pour de la nourriture, c’était sous forme d’une monnaie qui avait de la valeur – l’argent et l’or. Ils appartiennent à Dieu, comme Ag. 2, 8 le mentionne: “L’argent est à moi, et l’or est à moi, dit l’Eternel des armées.”»
Conséquence directe de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat des plus modestes: en France comme en Suisse, les associations caritatives sont de plus en plus sollicitées, notamment celles qui distribuent des paniers alimentaires. Dans le même temps, le don annuel des Français est en recul de neuf euros (8,50 francs) en 2023, selon le «Baromètre des générosités», réalisé par Odoxa et Leetchi pour France Bleu, dévoilé le 12 octobre. Il s’agit de la baisse la plus importante de dons enregistrée depuis 2019.
A l’inverse de réflexes qui pourraient conduire à sabrer dans les dépenses et revoir à la baisse les dons aux Eglises, aux missions et aux associations, Daniel Agiopan, ancien président de la Ligue pour la lecture de la Bible et donateur régulier depuis plus de quarante ans, encourage les chrétiens à – s’ils le peuvent – augmenter leurs dons. «Les missionnaires sont touchés par l’inflation, les programmes de parrainage d’enfants également. Il ne faut pas les oublier en ces périodes de hausse des prix.» Sur ce point, il rejoint Kurt Buehlmann pour qui le premier investissement «selon le cœur de Dieu» est dans l’être humain: les veuves et les orphelins, les pasteurs, les missionnaires.

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Janvier 2024
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