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Pâques et le corps sans filtre

L'édito de l'édition d'avril 2023
David Métreau

Avec le fleurissement des salles de sport, l’engouement pour la diététique et la banalisation de la chirurgie esthétique, rarement dans l’histoire (du moins récente) d’une civilisation le corps n’a été l’objet d’autant d’attention. Une dévotion qui tourne à l’idolâtrie. Dans une société résolument individualiste, l’idole ce n’est plus seulement la statuette ou le gri-gri qui va nous préserver du mauvais sort. Non, le dieu c’est soi-même, sa propre personne, enveloppe corporelle incluse. Paradoxe de notre temps et de notre condition humaine, cette fascination pour le corps arrive à l’époque de la dématérialisation des données, du travail, des loisirs et des relations.

La publicité, les photos retouchées des réseaux sociaux, la pornographie et les péripéties des stars du sport, de la musique ou de la téléréalité renvoient une image dévoyée du corps. Objet de tous les fantasmes, ce dieu fini qu’est l’enveloppe physique devient une pierre d’achoppement et la cause de nombreuses addictions et troubles psychiatriques. Des adolescents se mutilent dans la recherche sans fin d’une identité de genre ou de groupe quand d’autres se privent de nourriture pour répondre à un idéal esthétique. Ce corps si vite adulé concentre vite la détestation. Il faut le faire souffrir et, pourquoi pas, le tuer? Si l’histoire s’arrêtait là, elle serait triste et l’observation de cette civilisation qui se renie laisserait un goût amer.

Il existe pourtant une histoire de corps qui vient rejoindre la nôtre. Elle est célébrée chaque printemps à Pâques. Celle de Jésus, Dieu envoyé sur terre et qui s’est incarné dans le monde. Lui n’a pas cherché la gloire éphémère, les lumières et les faux-semblants. Lui dont le prophète Esaïe annonçait la venue sans beauté, ni éclat pour attirer nos regards et dont l’aspect n’avait rien pour nous plaire (Es. 53, 2). Une présence physique sans filtre Instagram ou séance de musculation filmée en direct sur Facebook ou TikTok. Acclamé par la foule - comme le sont les beaux corps dans notre société - Jésus a fini par être physiquement meurtri et rejeté, comme les corps qui vieillissent ou que notre société n’assume plus.

Mais une fois de plus, l’histoire ne s’arrête pas là. «Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris», poursuit Esaïe aux versets suivants. Non seulement le corps de Jésus a été blessé, percé et mis à mort, mais il est ressuscité le troisième jour. Un témoignage d’amour ultime et une puissance de vie. Le ciel et la terre sont réconciliés. Le corps est régénéré. Les choses passées sont devenues nouvelles. Vérité chrétienne fondamentale, cette incarnation de Jésus, sa mort et sa résurrection devraient apporter un regard plus juste sur ce corps, créature merveilleuse de Dieu, digne de respect et d’attention mais non pas objet de culte et de dévotion.

Et pour ceux qui ne croiraient pas à cette résurrection, ni à celle des autres corps, alors je ne peux que paraphraser l’apôtre Paul: «Alors à quoi bon, musclons et maquillons car demain nous mourrons.»

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Avril 2023 – Supplément Vacances chrétiennes 2023

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