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«N’aie pas peur»

La veille de Noël arriva enfin... ou trop vite, elle ne put le dire. Bien dissimulée dans son manteau à capuche, elle remonta la rue jusqu’au magasin de jouets

Il fait chaud dans le magasin de jouets et pourtant, toutes les poupées et les baigneurs portent des bonnets, des écharpes et de jolies moufles pour protéger leurs petites mains. Seule, au milieu, une poupée n’a pas sa tenue d’hiver mais une magnifique robe de princesse. Ses bras fins retiennent une étole de soie et ses mains, tendues vers la rue, sont un appel à l’adoption. Sophia la regarde et sent son cœur se réchauffer.
– Maman, elle coûte cher, cette poupée ?
Lucie regarde plus attentivement l’étiquette.
– Oui ma chérie, beaucoup trop cher pour nous.
Depuis trois ans maintenant, Sophia et sa maman vivent seules. Son papa est parti, elle ne sait pas pourquoi mais n’ose pas demander. Maman a tellement de soucis et paraît si souvent triste.
– C’est dommage, dit Sophia avec une intonation si désespérée que Lucie sent soudain monter en elle une révolte et une colère sourde. Sa petite fille n’aura encore, cette année, qu’un petit lot de consolation.
Elle reprend la main de sa fille et toutes deux s’éloignent vivement du centre ville pour rejoindre une petite rue dans un quartier bien modeste. Là, plus de vitrines aux couleurs chatoyantes, seul un réverbère éclaire la nuit devenue soudain plus froide. C’est là que se trouve leur appartement.
Ce soir-là, au moment du coucher, Sophia passe ses bras autour du cou de sa maman.
– Elle était belle, hein maman ?
– Oui, ma chérie, répond Lucie alors que des gouttes de larmes se pressent au bord de ses yeux. Elle serre sa poupée à elle dans ses bras.
–CREDIT–
Pourquoi, pourquoi cette misère qui dure ? Avant, tout allait bien pour elle et sa famille. Elle pouvait faire des cadeaux, préparer un beau repas de réveillon. Vivre sans toujours compter et recompter, simplement vivre. Et tout s’était enchaîné. Le départ de Julien, l’accident et la perte de son emploi. Maintenant, elle fait des petits boulots qui l’aident à vivoter. Les gens du quartier sont gentils avec elle. Ils connaissent son histoire et savent qu’elle fait tout pour s’en sortir. De temps en temps, ils lui témoignent un geste de sympathie.
Tout en pleurant, elle fit monter une prière. Ce n’était pas la première, mais elle n’y avait jamais mis autant de force.
– Dieu, oh Dieu, viens à notre secours !
Il n’y eut en réponse que le silence. Et puis, elle eut un mouvement d’audace. Tant pis, cette année, Sophia et elle auraient un vrai Noël. Et un vrai cadeau,
pourquoi pas la poupée. Elle tremblait en elle-même de cette folle pensée mais pour sa fille, elle le ferait.
Elle se rendit plusieurs fois à la boutique afin de repérer les emplacements stratégiques : la poupée, la caisse, la porte. Et dans sa tête son plan d’action prenait forme.
La veille de Noël arriva enfin… ou trop vite, elle ne put le dire. Bien dissimulée dans son manteau à capuche, elle remonta la rue jusqu’au magasin de jouets. Son cœur battait si fort qu’elle se demanda si elle ne trahissait pas son intention à tous les passants.
Toujours à l’abri des regards, elle entra dans la boutique. Elle fit mine de chercher, de comparer et lorsque la vendeuse lui sembla bien occupée par une cliente, elle saisit la poupée et se précipita vers la sortie. Un couple entrait à ce moment là, elle les bouscula, ce qui déclencha l’alerte. Déjà la vendeuse était sur le pas de son échoppe, criant au voleur.
En cette période de l’année, la police patrouille plus fréquemment dans les rues et Lucie tomba presque dans leurs bras quand elle s’engouffra dans une ruelle de traverse. Bientôt, elle était assise au poste, muette et prostrée. Jamais elle n’avait connu pareille humiliation.

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