«Mistral gagnant» de Renaud
Mistral gagnant est la chanson préférée des Français, juste devant Ne me quitte pas de Jacques Brel. De nombreux sondages l’attestent.
Il faut dire qu’elle a de quoi séduire. Difficile de ne pas se sentir envahi de nostalgie en écoutant ce poème écrit par un père dévoré d’amour pour sa fille.
Même sans avoir été parent, on est sensible à cette évocation poignante du temps qui passe et de ses ravages sur les relations humaines. Et le désir nous habite tous, d’une manière ou d’une autre, d’interrompre le déroulement inexorable de la vie qui finit toujours par nous séparer des personnes que nous aimons: «Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie / L’aimer même si le temps est assassin / Et emporte avec lui, les rires des enfants…»
Renaud est probablement plus connu pour la poésie touchante et réaliste de ses textes que pour son inventivité musicale. Mais la simplicité mélodique de cette chanson, juste accompagnée par un piano, reste ancrée dans la mémoire, transcendant les modes musicales et les générations.
La plupart des gens savent que le Mistral, ici, n’est pas un vent provençal, mais une confiserie des années 60. Renaud parle à sa fille de sa propre enfance, et cherche à la faire rire malgré la tristesse nostalgique qu’il ressent en pensant à une époque où la vie était moins compliquée. Tous les papas divorcés ou séparés se reconnaissent dans cette situation. L’homme adulte connaît un secret tragique – le «bon temps est mort» –, alors il tente de refouler ce secret et de le dissimuler à sa petite, encore innocente, pour «s’asseoir sur un banc cinq minutes» avec elle.
Comme d’innombrables textes poétiques et autres œuvres d’art, cette chanson souligne le malaise fondamental de l’être humain avec le passage du temps. Ce malaise, que nos artistes expriment si souvent et si bien, est un rappel que nous sommes créés pour autre chose que nos quatre-vingts ans de vie sur terre.
Mais ce poème contient aussi un vers qui résonne de manière particulière avec ma foi chrétienne. En tant que père de deux enfants, chaque fois que j’entends Renaud chanter «si moi je suis barge, ce n’est que de tes yeux», je sais exactement de quoi il parle. Sans le savoir, en évoquant l’amour fou d’un père pour son enfant, Renaud a écrit un texte qui me rappelle ma relation avec un Père qui m’a aimé… jusqu’à la folie de la Croix.
Jonathan Hanley
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Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui février 2017
Paroles de MISTRAL GAGNANT de Renaud
À m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu’il en a
Te parler du bon temps qu’est mort ou qui reviendra
En serrant dans ma main tes petits doigts
Puis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d’ pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j’étais minot
Les bonbecs fabuleux qu’on piquait chez l’ marchand
Car-en-sac et minto, caramel à un franc
Et les mistrals gagnants
À remarcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu’il en a
Te raconter la Terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un petit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s’ marrer
Et entendre ton rire comme on entend la mer
S’arrêter, repartir en arrière
Te raconter surtout les carambars d’antan et les cocos boers
Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres
Et nous niquaient les dents
Et les mistrals gagnants
À m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder le soleil qui s’en va
Te parler du bon temps qui est mort et je m’en fou
Te dire que les méchants c’est pas nous
Que si moi je suis barge, ce n’est que de tes yeux
Car ils ont l’avantage d’être deux
Et entendre ton rire s’envoler aussi haut
Que s’envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie
Et l’aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants
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