Les jeunes évangéliques moins enclins à soutenir Israël?

L’action politique de Donald Trump aurait influencé le soutien des évangéliques américains à Israël. C’est ce que révèle un sondage publié le 15 décembre dernier. Cinq jours auparavant, Donald Trump a critiqué l’ex-Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour avoir félicité assez rapidement Joe Biden pour son élection à la Maison-Blanche. Un propos complété par l’assurance qu’il aimait néanmoins toujours l’Israélien. Existe-t-il un lien entre la politique d’un Etat envers Israël, le traitement médiatique que celui-ci fait de la situation et la perception que peuvent avoir de l’Etat hébreu ses jeunes citoyens chrétiens?
Derrière les préjugés
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Le sondage publié fait suite à une enquête menée en juillet dernier par les professeurs Kirill Bumin et Motti Inbari de l’Université de Caroline du Nord-Pembroke en collaboration avec Barna Group. Il révèle un chiffre surprenant: le soutien à Israël n’atteint que 50% chez les évangéliques américains: 25% sont très favorables à Israël, 10% le soutiennent sans force et 13% l’appuient faiblement. 30% ne supportent ni Israël, ni les Palestiniens. Parmi les opposants, 7% soutiennent fortement les Palestiniens.
Affiné par catégories, le sondage révèle des choix en fonction de l’âge, de la fréquentation ou non d’une Eglise ou encore du critère racial. Les personnes de soixante-cinq ans et plus sont quatre fois plus nombreuses à soutenir Israël que celles de moins de trente ans. 29% des jeunes évangéliques appuient l’Etat hébreu, 45% les Palestiniens. 36% des moins de trente ans souhaitent que l’Amérique reste neutre dans le conflit israélo-palestinien, 31% veulent que leur pays soutienne Jérusalem, ils ne distancent pas grandement les 26% qui aimeraient que Washington appuie les Palestiniens.
Cette évolution repose en partie sur la politique de Donald Trump. 35% des sondés déclarent être devenus plus favorables à Israël en raison de la politique de l’ancien président, quand 11% sont devenus plus favorables aux Palestiniens. 53% n’ont pas changé de position. Ainsi, la couverture négative de sa politique étrangère par les médias aurait-elle compté et davantage touché les jeunes évangéliques et ceux qui ne fréquentent pas d’Eglise? Contrairement aux préjugés, il n’y a pas de bloc évangélique monolithique soutenant Israël et la tendance est au déclin. Faute d’un tel sondage de ce côté-ci de l’Atlantique, il s’agit de s’appuyer avec précaution sur les observations. Y-a-t-il une corrélation entre le soutien ou non à Israël des nations auxquelles appartiennent les évangéliques et l’affection de ces derniers vis-à-vis de ce pays? Ou les considérations sont-elles uniquement d’ordre théologique?
En Suisse et en France
Un bref retour historique s’impose. Après un temps d’hésitation, la Suisse a noué des relations amicales avec Israël l’année suivant sa création, en 1949. Elle l’a soutenu durant la guerre des Six Jours et a coupé ses subventions à l’Unesco à la suite d’une résolution de l’organisation critique envers Israël en 1975. La Confédération a cependant fini par s’ouvrir davantage aux pays arabes et la sympathie du peuple pour l’Etat hébreu a diminué.
Même schéma en France, pays fortement pro-israélien tant au niveau de sa population que de ses gouvernements jusqu’en 1967 et la guerre des Six Jours. Depuis, Paris ne manifeste plus de forte bienveillance envers Israël, même s’il y a eu un certain réchauffement sous François Mitterrand. La sympathie des Français pour le petit pays a également chuté. Ainsi, un sondage effectué à l’occasion des 70 ans d’Israël a indiqué que 57% des personnes pensaient qu’Israël était une menace pour la stabilité régionale. Toutes les catégories d’âges étaient majoritairement de cet avis, mais le taux dépassait les 62% chez les moins de trente-cinq ans. Cette baisse de soutien serait-elle liée au traitement médiatique chez les évangéliques de ces pays?
Le rôle d’Israël en question
Yann Brix, théologien suisse vivant en France a étudié l’hébreu moderne en 2020 à l’université de Netanya. Il constate une absence d’intérêt chez la jeune génération mais ne voit pas de baisse, plutôt une stabilité: «Je prêche dans de nombreux groupes de jeunes de toute tendance évangélique. Dans chaque milieu, il y a des individus convaincus de l’importance du rôle d’Israël. Cette conviction est aussi appuyée par le fait que je prêche toujours en lien avec la pensée hébraïque et le lien à Israël. Les personnes touchées par la cause viennent ensuite me confier leur intérêt.»
Les rares contestations qu’il a rencontrées étaient «légères», mais il pense que s’il abordait «le côté purement politique, il y aurait plus de contestation». Le théologien dénonce le traitement médiatique en décalage avec ce qu’il a vu en Israël, mais ne peut dire s’il influence les jeunes chrétiens qu’il a rencontrés. Il observe toutefois qu’un jeune chrétien qui avait contesté sa position lui avait avoué se baser sur les médias.
La baisse du soutien inconditionnel des jeunes évangéliques francophones à Israël semble nette et évidente, assure un responsable évangélique français qui souhaite rester anonyme à cause de ses responsabilités. «C’est aussi le fruit d’une certaine évolution évangélique d’une théologie prémillénariste vers une théologie amillénariste. Le curseur s’est déplacé dans les facultés de théologie telles que la HET-PRO, l’Institut biblique de Nogent ou l’Institut biblique de Genève.»
Pour ce pasteur, ce changement théologique donne à Israël une autre place moins centrale dans le plan du Salut tout en maintenant une dimension singulière au niveau du territoire car «c’est là que Jésus reviendra». L’amillénarisme qui était une option minoritaire s’est fortement imposé, notamment sous l’influence d’un rapprochement avec des courants réformés, néo-réformés. Ce qui, selon ce responsable, expliquerait ce déclin du soutien politique à Israël chez de nombreux jeunes.
Avec David Métreau

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Février 2022
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