Les chrétiens turcs se mobilisent pour les sinistrés
Les chrétiens ne sont pas nombreux en Turquie, proportionnellement à la population, mais lors du tremblement de terre le 6 février dernier, nombre d’Eglises sont rapidement entrées en action pour proposer secours et refuge aux personnes sinistrées. Avec près de 60 000 morts turcs et syriens, 120 000 blessés et plusieurs dizaines de milliers de personnes fuyant les zones affectées, le pays a vécu une crise humanitaire intense dans les semaines qui ont suivi le séisme.
L’accueil dans l’ADN
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Les chrétiens turcs ont déjà tendance à se préoccuper du sort de ceux qui souffrent, qu’il s’agisse des réfugiés d’Iran ou de Syrie, ou des sinistrés qui ont fui leurs habitations endommagées depuis février. La Turquie est l’un des pays abritant le plus de personnes déplacées au monde. Aslan, un responsable d’Eglise, précise: «L’accueil des personnes en détresse fait partie de notre ADN spirituel en Turquie. Et c’est fondé sur la Bible, car Dieu est toujours du côté des personnes vulnérables.»
Suite aux secousses, en moins de quarante-huit heures, des volontaires issus de structures humanitaires de premiers secours, et de différentes obédiences religieuses ou politiques se sont dirigés vers les zones sinistrées. Une des structures chrétiennes rapidement à l’œuvre sur le terrain est affiliée à l’Alliance des Eglises baptistes de Turquie. Soutenus financièrement par la Mission baptiste européenne (EBM International) et par divers chrétiens d’outre-Atlantique et d’Europe, y compris certaines Eglises françaises, de nombreux évangéliques turcs ont mis en place des systèmes de distribution d’aide alimentaire et de tentes, autant dans les zones touchées que dans les grandes villes où ont afflué les personnes déplacées fuyant les répliques sismiques et leurs demeures inhabitables.
Mis en prison pour avoir servi
Le pasteur Umut, qui sert Dieu dans une grande ville à l’autre bout du pays, a perdu plus de trente membres de sa famille étendue. Il s’est rendu à plusieurs reprises dans les villages proches de Kahramanmaras, l’épicentre du séisme, pour participer aux funérailles de ses proches. Il témoigne de son expérience: «Sur place, j’ai commencé à distribuer de l’aide au nom du Christ. Et beaucoup de gens voulaient parler à un pasteur. Mais j’ai été dénoncé aux autorités. Ce que je faisais ne plaisait pas aux responsables religieux. Ils m’ont reproché de ne pas passer par les canaux officiels des agences de sécurité civile. Mais ce genre d’autorisation nécessite de longs délais, et les besoins étaient urgents.» Umut a fini par faire un court séjour en prison, uniquement pour avoir servi la population locale au nom de Jésus. Grâce à la structure française d’intervention d’urgence FAPPS (Fédération Action Partage Premiers Secours), ses frais de voyage entre sa ville d’origine et la zone sinistrée ont pu être couverts par des chrétiens français.
Tentes refuges
Ailleurs, les Eglises turques se sont mobilisées pour accueillir les habitants sinistrés en fuite, dont beaucoup avaient perdu leur habitation ou craignaient de retourner dans des maisons et des appartements endommagés. A Izmir, une des grandes villes où plus de 40 000 réfugiés ont afflué dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre, une Eglise a non seulement mis en place un système de distribution de produits de première nécessité, mais les membres ont pu également fournir des couvertures et des générateurs pour produire de l’électricité. En effet, les villes de tentes qui se sont montées pour accueillir cette foule étaient dépourvues de toute alimentation électrique dans les premiers temps. Cette même Eglise a également monté sur son parking une tente agréée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) conçue spécifiquement pour abriter une famille. L’objectif est que cet abri serve de «tente témoin» pour ceux qui en auraient besoin. Le responsable local de la distribution de l’aide aux réfugiés a expliqué: «Pour moins de 1000 euros, une famille peut trouver refuge dans un abri conçu pour la protéger du soleil la journée et du froid pendant la nuit. Le séisme a eu lieu en hiver et il peut faire très froid, même dans le sud de la Turquie.»
Sinistrés reconnaissants
Bien sûr, de tels efforts ne se déroulent pas sans problème. Les structures qui proposent de l’aide doivent veiller à ce que les destinataires soient réellement dans le besoin et viennent vraiment des zones affectées. Mais la situation a également donné naissance à de belles histoires de reconnaissance de la part des sinistrés. Lors de ma visite au mois de mars, un équipier m’a confié: «De nombreuses personnes reconnaissantes acceptent l’aide des chrétiens qui, en temps normal, ne sont pas considérés comme des voisins ou des collègues recommandables. Souvent, nous sommes méprisés, voire accusés de trahir la nation en raison de notre différence religieuse.
Ce genre de circonstances nous donne des occasions de témoigner par la parole et le geste.»
Il n’est pas toujours facile de savoir comment réagir dans ce genre de situation, car de telles catastrophes donnent souvent naissance à une sorte de «tourisme de catastrophe». Cette tendance est exacerbée par les réseaux sociaux, sur lesquels des visiteurs se mettent en scène avec d’innombrables photos. A Adana, une ville à 200 km de l’épicentre, mais également gravement touchée, un responsable d’Eglise a dit: «Ici, les gens n’aiment pas trop les chrétiens étrangers en ce moment. Beaucoup sont venus prendre des photos, avec plein d’images sur Facebook et des lettres de nouvelles pour impressionner, mais peu d’action sur le terrain.»
Aujourd’hui, l’étendue des dégâts n’a pas encore été complètement mesurée. Mais une chose est certaine: de nombreux chrétiens saisissent toutes les occasions pour agir au nom du Christ dans la vie des populations affectées. Ces frères et sœurs turcs demandent le soutien de nos prières pour leur action et leur témoignage.
Nathanaël Randria (pseudonyme)