La vérité étouffée par l’idéologie
Michel Onfray, militant athée très médiatique, vient de publier une «biographie» de Jésus. Biographie entre guillemets, car, pour l’auteur, Jésus n’a jamais existé. Ce point de départ est pour le moins problématique, puisque l’existence de Jésus de Nazareth fait consensus chez les historiens. Malgré tout, Michel Onfray expédie à la corbeille à papier tous les textes qui témoignent de cette historicité. Il ne cherche pas à comprendre pourquoi les historiens – même les plus anticléricaux d’entre eux – qui ont pu consacrer des années de recherche à cette question ne doutent plus de cette existence.
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Des arguments bancals
En réalité, dès la troisième page de son introduction, le lecteur comprendra le contre-sens qui sert de fondement à la thèse de Michel Onfray. En effet, celui-ci confond les convictions chrétiennes concernant Jésus (le fait qu’il soit né d’une Vierge, qu’il soit le «Messie d’Israël», etc.) et son existence.
De plus, les rares réels arguments de l’auteur laisseront le lecteur perplexe. En effet, Michel Onfray relève que dans les évangiles, on peut observer Jésus «manger», mais jamais «déféquer». De là une des preuves irréfutables que «ce corps n’est pas corporel, c’est un anticorps, le corps d’un Ange».
S’il surmontait cette première thèse bancale, le lecteur bienveillant pourrait se dire qu’en dépit d’un postulat de départ complètement erroné, il y aurait possiblement des éléments intéressants à retirer de cette «biographie d’une idée». Malheureusement, la suite est tout aussi problématique.
En effet, Michel Onfray va jusqu’à affirmer «l’antisémitisme» de Jésus. Après le mépris dont a fait preuve l’auteur envers les historiens, ne nous étonnons pas qu’il aille encore une fois à contre-courant de la recherche historique contemporaine. Alors que les historiens israéliens, replacent les premiers écrits issus du mouvement de Jésus au sein de la «littérature du second Temple» et insistent de plus en plus sur la judéité de Jésus et de ses disciples, Michel Onfray, de son côté, en fait un antisémite.
Anti-scientifique
Sans surprise, aucun historien n’est convié à contribuer à ce livre. Ce n’est qu’en conclusion, dans une note de bas de page, que nous voyons enfin un nom apparaître, celui de Paul Veyne, professeur au Collège de France et grand spécialiste d’histoire romaine. Toutefois, cette mention n’est faite que pour qualifier son propos d’«étrange délire». Cet historien – pourtant lui aussi athée– a en effet eu le malheur de soutenir une thèse qui n’a pas plu à notre auteur.
Et puisque Michel Onfray commence son livre en évoquant le négationnisme, nous pourrions conclure avec une citation de ce même Paul Veyne, dans son livre Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes? (éd. Points): «S’il faut en croire sa légende, après avoir élucubré obscurément sur Rimbaud et Lautréamont, [Robert Faurisson] parvint vers 1980 à quelque notoriété en soutenant qu’Auschwitz n’avait pas eu lieu. Il se fit engueuler. Je proteste que le pauvre homme avait failli avoir sa vérité. Il était proche, en effet, d’une variété d’illuminés à laquelle les historiens de ces deux derniers siècles se heurtent parfois: anticléricaux qui nient l’historicité de Jésus (ce qui a le don d’exaspérer l’athée que je suis), cervelles fêlées qui nient celle de Socrate, de Jeanne d’Arc, de William Shakespeare ou de Molière, s’excitent sur l’Atlantide ou découvrent sur l’île de Pâques des monuments érigés par des extraterrestres.»
Toutefois, nous ne voulons pas que celle-ci soit perçue comme une fermeture de dialogue et nous souhaitons, au contraire, encourager Michel Onfray et ceux qui peuvent adhérer à cette théorie mythiste de prendre le temps de consulter les ouvrages qui ont examiné avec soin cette question, afin de comprendre pourquoi, aujourd’hui, les historiens ne doutent plus de l’existence historique de Jésus de Nazareth.