Le petit bibliothécaire restait perché sur son escabeau, empêchant les deux amis de s’approcher de la vitre.
– Vous pouvez vous pousser, pour qu’on puisse voir quelque chose? s’énerva Ariel.
– Ce n’est pas très réglementaire!
– On n’est pas venu jusqu’ici pour vous contempler sur votre escabeau! répliqua Ariel.
– Oui, mais selon le règlement…
– Oubliez un peu le règlement, on a des problèmes plus importants!
Le petit bibliothécaire descendit prudemment de son escabeau, tout en maugréant. Ariel et Arthur s’empressèrent de prendre sa place et regardèrent avec avidité ce qui se cachait derrière la grande plaque vitrée. Au premier abord, ils furent déçus. Il n’y avait là qu’un vieux livre, bien protégé dans son écrin de verre. Ils comprirent, sans le secours du bibliothécaire, qu’ils avaient devant eux un exemplaire de l’évangile selon Matthieu. Probablement le manuscrit original.
– C’est l’original? questionna Arthur pour la forme.
– Oui, c’est en quelque sorte le «mètre étalon» de toutes les versions postérieures. C’est ce qui permet que le texte de la Bible soit resté à ce point fidèle au cours des siècles terrestres.
– Impressionnant! Dire que je me trouve en face des textes originaux! Ça valait le voyage!
C’est alors qu’ils aperçurent l’écran à droite du livre. C’était un écran digital des plus classiques, réplique exacte de ceux qu’ils avaient vus dans la salle précédente. Sur sa surface s’inscrivaient des courbes de différentes couleurs qui évoluaient sans cesse.
– C’est quoi, ces courbes? demanda Ariel.
Le bibliothécaire s’avança, observa un moment l’écran avant de dire:
– Celle du haut indique la fréquence de lecture du livre; la suivante nous renseigne sur la qualité de la lecture. Vous voyez, elle se divise en deux lignes de couleurs différentes. La couleur verte désigne une lecture active; l’ambre, une lecture passive.
– La lecture passive, c’est une lecture sans le secours de l’Esprit?
– C’est ça! fit le petit ange un peu excédé d’être interrompu dans sa péroraison. La courbe suivante, reprit-il, indique les portions du livre qui sont lues. La suivante, les portions ignorées par la plupart des lecteurs.
– C’est incroyable! Vous êtes sûr que vos données sont fiables? Regardez! La courbe verte de la lecture active est largement inférieure à celle de la lecture passive! s’exclama Arthur.
– Et il semblerait que les humains ne lisent que ce qui les arrange! poursuivit Ariel. D’après la courbe, seul le 62% du livre est véritablement lu!