Gisèle Casadesus, une actrice centenaire
«Oui j’ai cent ans! Je dois me faire une raison: mon petit-fils est grand-père! Mais c’est passé si vite!». Gisèle Casadesus me l’a si souvent répété lors de nos nombreux entretiens, que j’ai décidé d’en faire le titre du livre que mon éditeur et moi voulions écrire avec elle: Cent ans, c’est passé si vite… (éd. Le Passeur).
Protestante et très attachée aux valeurs bibliques, elle a ainsi dirigé toute sa vie de famille et sa carrière d’artiste: « Je voulais faire du théâtre et avoir des enfants!». Ces deux objectifs semblaient impossibles dans les années 1930, et pourtant! Gisèle a joué dans des centaines de pièces et de films, depuis 1934, et elle a eu quatre enfants, tous artistes, et tous parents d’artistes.
Doyenne de la Comédie-Française, largement décorée et césarisée, elle ne s’abandonne pas à la nostalgie et choisit ses souvenirs. «J’ai une bonne mémoire. Celle que mon métier n’a cessé de solliciter, et celle qui a décidé de ne conserver que les choses belles». Ainsi, parlant de Guitry, d’Arletty, de Madeleine Renaud ou de Michel Simon, elle ne dira que du positif, ou ne dira rien. Elle raconte les guerres, les coulisses des théâtres, les tournées, mais surtout, son père, son mari, ses enfants, son frère qui vient de s’éteindre à 102 ans. Sans oublier son appartement dans lequel elle est née et qu’elle occupe toujours, un siècle plus tard!). Parlant de son époux, elle insiste: il a été l’unique homme de sa vie, et elle en est fière. Lui, passant plus de 70 ans à ses côtés, l’a si souvent vu «bibloter» (entendez: lire sa Bible), qu’il en est arrivé à retrouver le chemin de Dieu. La foi de Gisèle Casadesus est une force paisible et discrète, mais qui trace une route dont le spectateur reste admiratif.
Pétillante autour d’un thé chaque jour préparé à l’identique, elle se met à rire à l’évocation d’un spectacle: «Moi, la protestante du temple des Batignolles, j’ai joué Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans, dans la cathédrale de Reims, complètement enceinte! Heureusement, la cuirasse cachait mon ventre!». Puis l’émotion: «Paul Belmondo était un cher ami. Nous nous lamentions; il avait un Jean-Paul terrible et moi un Jean-Claude intenable! Plus tard, nous nous disions que finalement, nos garçons n’avaient pas si mal tourné». Ou la reconnaissance: «Mon mari a tout fait pour que je m’épanouisse dans le métier qu’il savait être ma joie. Nous nous sommes beaucoup aimés. Quelques mois avant sa mort, il m’écrivait encore un poème d’amoureux!»
A l’écoute de cette grande dame d’une simplicité rassurante, on reçoit des leçons de vie et de constance, de foi et de générosité. De quoi raviver le bonheur!
Eric Denimal
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Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – juillet-août 2014
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