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Face à l’intelligence artificielle, comment évolue notre éthique?

© Istockphoto
En plein essor, l’intelligence artificielle n’a pas fini de faire parler d’elle. Outre les avancées technologiques favorables à l’être humain qu’elle produit, elle titille aussi en nous la question éthique. Pour quels enjeux?
David Nadaud

Il ne se passe pas un jour sans qu’un article, ou un reportage, ne soit publié au sujet de l’intelligence artificielle (IA). Et comme pour tout nouvel outil, vient au même moment la question de l’éthique qui s’y rapporte.

Le danger de notre amour pour l’outil

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Avant la question éthique, il est nécessaire de comprendre de quoi il s’agit. Tim Kyle, directeur dans le domaine technologique, explique: «L’IA n’est ni intelligente, ni artificielle. Elle n’est pas artificielle, car elle dépend de millions de serveurs pour stocker les données et donner la puissance aux algorithmes, ce qui est bien physique. Et elle n’a pas d’intelligence puisqu’elle apprend juste à redonner de façon créative ce qu’elle a compris des données qu’on a fournies à l’algorithme.»

Celui qui est aussi président des éditions BLF souhaite également aborder ce sujet en tant que chrétien: «Notre éthique doit être ancrée dans l’amour de Dieu et de notre prochain. Est-ce qu’à travers l’utilisation de l’IA, je réponds à ce fondement? L’IA nous renvoie d’abord à la définition de notre humanité. Les hommes sont créés à l’image de Dieu et cela implique une considération pour l’homme bien différente de celle à donner à un outil. Or aujourd’hui, on voit souvent se développer un amour pour les outils.»

Cet amour peut aller jusqu’à vouloir vouer un culte à l’intelligence artificielle. Ainsi, Anthony Levandowski, ancien ingénieur de Google qui gagnait vingt millions de dollars par an pour travailler sur l’IA, a fondé une Eglise, reconnue par le gouvernement fédéral américain, destinée à développer un dieu fondé sur cet instrument. Il a ainsi déclaré: «Ce qui s’apprête à être créé sera effectivement un dieu… pas dans le sens où il fera tomber la foudre ou provoquer des ouragans. Mais s’il existe une chose un milliard de fois plus intelligente que l’humain le plus intelligent, comment l’appelleriez-vous?»

De nouveaux horizons

«L’IA offre des nouvelles possibilités», détaille Tim Kyle. «Détecter un cancer plus tôt qu’avant, piloter un avion à distance en cas de problème avec les pilotes, détecter un problème mécanique dans une voiture ou dans un ascenseur avant même que les conséquences ne soient visibles. Mais avec les capacités de l’IA, un Etat ou une société peut se doter de systèmes de surveillance automatisés. C’est une façon nouvelle de surveiller ses habitants. En Chine, l’exemple le plus connu, par l’instauration dans certaines villes du score social, montre bien qu’il permet une invasion dans la vie privée des êtres humains, par l’Etat dans ce cas-ci, ou par une entreprise dans d’autres situations. Et donc, que l’IA a un impact sur la liberté et la dignité de l’être humain.»

Des armes de plus en plus sophistiquées

Sur le terrain militaire également, l’arrivée de l’IA pose des questions éthiques. Jean-Fred Berger, général de deuxième section de l’armée française revient sur l’actualité des armes qui en sont équipées: «Prenons par exemple les nouvelles munitions “rodeuses”: vous tirez une roquette et elle choisit elle-même sa cible en arrivant au-dessus de la zone ciblée, en fonction de ce qui lui semble le plus stratégique. Mais l’avenir, c’est la robotisation des champs de bataille. Il s’agit de remplacer les fantassins par de petits robots tueurs. Vous envoyez vos petits robots qui fonctionnent en essaim, qui se transmettent ce qu’ils voient et qui, ensemble, déterminent quelle est la manière la plus optimale de détruire la ou les cibles. Par exemple, ces petits robots tueurs entrent dans un quartier et, sans le détruire, éliminent les uns après les autres les combattants qui sont dedans. Et évidemment, l’armée qui ne sera pas équipée de ces petits robots tueurs sera perdante.»

Face à cet avenir inquiétant, l’ancien directeur des opérations des forces inter-alliés de l’OTAN souhaite rappeler que l’éthique n’est pas oubliée par le militaire: «Il y a évidemment le sens des responsabilités à chaque niveau dans l’armée. Il y a aussi la Délégation générale à l’armement qui réfléchit aux conséquences stratégiques et humaines. Et il y a des commissions éthiques. Mais les techniciens et les ingénieurs auront tendance à toujours sophistiquer davantage les équipements, sans nécessairement prendre en compte tous les aspects éthiques.»

L’éthique court après les avancées, pas le contraire

Prenant du recul et revisitant l’histoire, Jean-Fred Berger rappelle: «Jadis, les archers étaient dans les batailles et puis, au moment de l’arrivée de l’arbalète, on a considéré qu’elle était une arme inhumaine car elle permettait de tirer de plus loin, sans même regarder l’ennemi en face. Pareil plus tard avec l’arrivée du mousquet. Aujourd’hui, un pilote de drone est à des milliers de kilomètres.»

Bien conscient de la réalité humaine, Jean-Fred Berger note ainsi que «chaque avancée technologique remet en question tous les équilibres. Avec le recul, on constate que c’est l’éthique qui court derrière les transformations technologiques.»
«On l’a vu avec l’avènement des réseaux sociaux,» reprend Tim Kyle. «Avec quinze ans de recul, on constate aujourd’hui que les outils que nous utilisons nous façonnent et nous changent, ils modifient nos manières d’agir et de penser.»

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mars 2023

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