Doutes prophétiques
Seigneur, le doute s’empare de moi. Je ne sais plus si je suis prisonnier de mes visions, esclave des pensées qui m’habitent, ou si c’est encore toi qui parles par ma bouche. Les paroles qui m’habitent sont si lourdes, elles semblent mettre en doute ta puissance, ton autorité, ta volonté d’aimer ton peuple.
Je ne fais que proférer des jugements dans les rues de Jérusalem et jusque dans le parvis de ta Maison. On me reproche d’accorder à notre ennemi une force et une puissance excessives. On fait de moi un faux prophète parce que je ne proclame pas ta victoire, mais que j’annonce ton jugement et la défaite de mon peuple. M’as-tu vraiment confié ce message, ou me suis-je, à force de souffrance, convaincu de ta volonté de jugement ?
Je me surprends à envier le prophète Hananya. Il annonce ton pardon, ta libération. Il parle du retour des exilés, de la restauration de ton Temple. Il annonce ta victoire, la joie retrouvée. Il parle d’abondance, de chants et de danses. Il célèbre ta puissance alors que je ne distingue que ta colère. Il entonne le chant de ta victoire, alors que je psalmodie la mélopée amère de ta colère. Qui a raison ? Dis-le moi, Seigneur ! Ne peux-tu me confier un message heureux ? Ne pourrais-je pas, une fois dans toute ma vie, entrevoir ton salut et ta victoire ? Pourquoi dois-je être le prophète du malheur, le messager de mauvaises nouvelles ?
Ils se moquent de moi ! Ils disent : «Jérémie, Jérémie, ouvre les yeux, goûte à la vie, oublie le malheur !». Mais moi, je n’entends que ta parole, ta voix dans mon cœur qui me dit ta souffrance face à nos désobéissances. Je le sais, Seigneur, l’heure du pardon n’a pas encore sonné pour nous. L’ennemi s’avance, l’épreuve est là, mais de l’autre côté, au-delà du feu de ta colère, je crois déjà voir scintiller la lumière de ta grâce et la saveur de ton pardon. Accorde-moi, Seigneur, de pouvoir un jour contempler ta victoire et chanter ta grâce !
Pierre-Yves Zwahlen
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Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – octobre 2013
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