Constat d’échec
Appel à la paix, appel à la réconciliation. Appel à un cessez-le-feu, appel à des pauses humanitaires. Appel à la libération d’otages, appel à la justice… l’horreur de ce qui se passe actuellement au Proche-Orient suscite des appels désespérés en tous genres et ceux-ci nourrissent un fil d’actualité on ne peut plus sombre. Ils proviennent des grandes instances, des politiciens et des faîtières, mais ils sont aussi et surtout hurlés par les victimes, du côté d’Israël, de la bande de Gaza et de ceux qui se tiennent à leurs côtés. Et nous, chrétiens, nous lançons des appels à la prière. Parmi nous, on constate une division de plus en plus visible sur la douloureuse question d’Israël et des territoires palestiniens. A en croire que l’appel à la réconciliation nous concernerait aussi?
Parce que oui, nous sommes concernés par ce conflit. Notre cœur saigne avec les Israéliens qui attendent la libération de centaines d’otages et qui pleurent leurs proches décédés dans d’atroces conditions. Notre cœur saigne avec les Palestiniens, pour les milliers de corps d’un peuple piégé et étouffé qui s’empilent dans la bande de Gaza, sous une pluie de bombes ininterrompue. L’intention n’est pas de répéter à voix cassée les faits dont tous les médias se chargent déjà de couvrir l’actualité, ni de mettre dos à dos des opinions polarisées, ni encore de se fondre dans une sorte de neutralité passive. Si la question épineuse de ce conflit pouvait être réglée en quelques paragraphes, on le saurait. Mais il s’agit d’oser se laisser gagner par une sainte colère. Parce que nous sommes porteurs de l’Evangile. Et celui-ci cesse d’être l’Evangile dans le sens étymologique du terme au moment où il se vit au détriment d’un individu, d’une tribu, d’un peuple.
«Eloigne de moi cette coupe», demandait Jésus alors qu’il priait dans le jardin de Gethsémané. Cette même coupe que tous les peuples de l’Ancien Proche-Orient se sont passée et qui est mentionnée à maintes reprises dans l’Ancien Testament. Et avec elle, des cycles de violence sans fin. Un mélange métaphorique amer à boire, puis à passer à son voisin, avant que Jésus ne boive cette coupe, en entier, en incarnant le rôle du bouc émissaire et mettant ainsi fin au cycle de violence. Il s’agit d’une réalité dont le paradoxe est d’être à la fois déjà accomplie et seulement pleinement accomplie au retour de Jésus; ce retour qu’aujourd’hui les chrétiens vivent et commémorent en se passant la coupe de la communion.
Pour nous porteurs de l’Evangile, en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, nous sommes en échec. Au lieu de vivre la réalité instaurée par Jésus, nous avons perpétué ou perpétuons encore ce cycle de violence. Aussi, avec tous les appels qui défraient nos médias, notre appel aujourd’hui ne devrait-il pas plutôt être un retentissant kyrie eleison – Dieu, aie pitié de nous?