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«Chers écolos, descendez de votre tour d’ivoire»

Le sol d'un champ craquelé par une sécheresse
© iStock
Alors qu’on estime à 250 millions le nombre de réfugiés climatiques au niveau mondial en 2050, les intellectuels écologistes s’affolent et, bien souvent, s’isolent. Que peut-on tirer de l’histoire du prophète Elie face au peuple d’Israël et au roi Achab? Un appel à la persévérance et à la patience. Parti pris.
Holger Wetjen
Holger Wetjen
© DRHolger Wetjen

O n le voit très souvent: les scientifiques spécialisés dans les écosystèmes publient un nouveau rapport sur les sécheresses et les pénuries d’eau dans le monde, mais le grand public fait la sourde oreille. Il ne souhaite pas que les intellectuels le gênent dans ses plaisirs: manger de la viande tous les jours, sortir en voiture le week-end, s’arrêter au supermarché pour remplir le coffre de sacs plastiques fourrés de boîtes, de bouteilles et de bacs en plastique.

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Quand les scientifiques démontrent que la consommation excessive en Occident est la cause des désertifications sur les autres continents, les partisans de la (sur) consommation leur reprochent de publier leurs «drames» pour le seul désir d’être reconnus dans leur milieu universitaire. Quand le sage désigne l’étoile, l’idiot regarde le doigt, dit le proverbe. La réaction des intellectuels n’est pas moins violente: ils se retirent dans leur tour d’ivoire et deviennent des aristocrates de la vertu.

Un parallèle avec Elie

La Bible nous présente en Elie un prophète qui ne désespère pas (1 Rois 18). La famine et la sécheresse ravagent alors la Samarie; le thème est d’une extrême actualité. On estime à 250 millions le nombre de réfugiés climatiques attendus dans le monde en 2050. Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) paru en 2018, les causes seraient directement induites de phénomènes dus au dérèglement climatique tels que des inondations, sécheresses, pénuries d’eau et d’aliments, maladies émergentes, etc.

Elie explique la sécheresse et la famine qui ravagent la Samarie, comme conséquences du non-respect de la Loi. A cette époque, le Royaume est divisé en deux et les citoyens de Juda sont les seuls à respecter les commandements de Dieu, alors que le peuple d’Israël s’est tourné vers les dieux païens.

Promesse réalisée

C’est dans cette situation désespérante qu’Elie reçoit la parole de Dieu: «Va te montrer à Achab et je donnerai la pluie à la surface de la terre.» Elie aurait toute raison de refuser, mais il ne le fait pas. Si la parole de Dieu met le prophète au défi, elle lui offre aussi une espérance.

A noter que le livre de Deutéronome ne s’arrête pas au milieu de la sécheresse, mais le texte débouche sur un dénouement heureux: Dieu donne à son peuple la possibilité de revenir vers lui. «Dieu ouvrira pour toi les cieux, pour accorder en temps opportun la pluie à ton pays», promet Deutéronome 28,12. «Si tu reviens à Yahwé ton Dieu, Yahwé ton Dieu te fera exceller dans tout ce que tu feras et rendra prospère le fruit de ton bétail et celui de ton sol» (Deut. 30,2-9). Ce texte s’adresse à chacun, au peuple entier. Il est parfaitement moderne.

D’abord convaincre le peuple

Encouragé par cette promesse, Elie comprend que pour l’instant, il ne peut pas convaincre Achab. Il lui faut alors d’abord convaincre le peuple, puis, le roi suivra. On ne peut pas être plus révolutionnaire!

Il demande à Achab de rassembler tout le peuple ainsi que les 450 prophètes de Baal et les 400 prophètes de l’Ashera. Elie est le seul prophète de Dieu, face à des milliers de personnes. Les prophètes de Baal et de l’Ashera choisissent un taurillon et le préparent. Ils prononcent le nom de leur dieu. Jusqu’au soir, il n’y a ni voix ni réaction. Ensuite, Elie prépare son sacrifice, il place le taurillon sur le bûcher. Il trace une rigole autour de l’autel et demande au peuple de la remplir d’eau. Il prie. Le feu descend du ciel et dévore l’holocauste. Le peuple tombe face contre terre et dit: «Yahwé est Dieu!» Et la promesse de Deutéronome 28 se réalise, il se met à pleuvoir.

Un appel à la patience

Dieu nous offre sa grâce sans condition et Elie s’appuie sur cette promesse. Sa piété peut provoquer les intellectuels modernes mais elle peut aussi stimuler. En effet, les savants ne sont pas efficaces tant qu’ils se retirent. Ils se doivent d’intégrer le peuple dans leurs activités. A cette ouverture se lie la patience. Après l’averse, la majorité des Israélites abandonnent à nouveau l’alliance mais Elie prie, se ressource et trouve la force de rebondir.

Ainsi, Elie encourage nos écologistes modernes. Même si la grande majorité continue de gaspiller l’eau et de surconsommer de la viande, nous renouons le dialogue dans la confiance. Même si la majorité ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre, nous disons: celui qui ne commence pas aujourd’hui pourra commencer demain. Et si aujourd’hui deux ou trois personnes laissent leur voiture dans le garage en faveur du train, remercions Dieu pour sa parole et pour sa promesse, qui se réalise avec le temps.

Holger Wetjen,
Journaliste franco-allemand spécialisé dans le fait religieux

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mars 2021

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