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Amour, quarks et Trinité

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Pour expliquer la doctrine de la Trinité à l’aide du monde naturel, de nombreux chrétiens utilisent l’analogie de l’eau, du soleil ou de la famille. Pour Jean-René Moret (photo en médaillon), l’exemple des quarks représente une signature du Créateur. Parti pris.

Parmi les doctrines chrétiennes, celle de la Trinité est l’une des plus décriées. Que trois personnes distinctes puissent être un seul Dieu heurte le bon sens occidental, passe pour du polythéisme mal déguisé aux yeux de l’Islam et semble de toute manière être une argutie théologique de peu d’intérêt. Pourtant, j’entends montrer ici que le monde naturel comporte au moins une situation tout à fait analogue à la Trinité et que la vision de Dieu qui en ressort est importante et féconde pour une juste conception des sociétés humaines et de l’amour en leur sein.

Qu’est-ce qu’un quark?

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La Trinité a souvent été expliquée par des analogies et des illustrations, telles l’eau qui peut être liquide, vapeur ou glace, la lumière du soleil, qui a une origine (le Père), voyage à travers l’espace (le Fils) et dont nous percevons la chaleur (le Saint-Esprit), ou encore la famille, où des personnes différentes forment un tout et portent un nom commun en gardant leurs identités propres. Je propose ici une analogie à ma connaissance nouvelle, si ce n’est que je la développe plus en détail dans mon livre Epîtres aux geeks (éd. Scripsi). Il s’agit de regarder au cœur de la matière; celle-ci est formée d’atomes, dont les noyaux sont constitués de protons et de neutrons. La physique du 20e siècle a découvert que les protons et les neutrons étaient eux-mêmes formés chacun de trois quarks. Ceux-ci sont des entités curieuses, ayant par exemple une charge électrique fractionnaire (-1/3 ou 2/3). Mais l’on n’observe jamais un objet avec une charge fractionnaire, du fait que les quarks ne sont jamais seuls.
En effet, ils forment toujours soit une paire avec un anti-quark, soit un trio comme dans le proton ou le neutron. Les quarks sont liés entre eux de manière tellement forte qu’il est impossible d’en isoler un. L’énergie qu’il faudrait pour l’arracher d’un proton est si grande qu’elle conduit à la création d’une paire quark-antiquark plutôt que de laisser un quark isolé. Pourtant, il est possible d’observer que la masse d’un proton se concentre en trois points particuliers et le modèle des quarks est très bien établi.

La signature du Créateur

On a ainsi dans la nature même une particule qui forme une unité tout en étant composée de trois entités, qui ont une existence réelle et attestée tout en ne pouvant pas être isolées. Cela signifie d’une part que ceux qui veulent refuser la Trinité comme une absurdité inconcevable doivent également répudier le modèle standard de la physique des particules.
D’autre part, je suggère que cette omniprésence de triades inséparables au cœur de la matière est plus qu’une coïncidence opportune et peut représenter une signature du Créateur.

Dieu est amour

Arrivés là, en quoi donc la Trinité serait-elle importante? D’après cette doctrine, Dieu est de toute éternité Père, Fils et Saint-Esprit, trois personnes distinctes unies par une relation d’amour tellement proche qu’elles forment un seul être. Si cela est vrai, l’amour est au cœur de la réalité, l’amour est constitutif de l’être suprême, de l’origine de toutes choses. L’affirmation biblique «Dieu est amour» est facilement reprise hors des cercles chrétiens, mais il faut se rendre compte qu’elle est indissociable de la vision trinitaire de Dieu.
Un Dieu monolithique n’aurait pas de relation en lui-même, n’aurait pas de possibilité d’aimer avant d’avoir créé d’autres personnes. Alors l’amour ne ferait pas partie de son identité éternelle. Dans une vision trinitaire, l’amour est une réalité au sein de Dieu depuis toujours et Dieu crée l’humanité comme un débordement de cet amour. L’amour au sein du couple conduit à la venue à l’existence d’un être nouveau, qui va être inclus dans l’amour de ses parents et apprendre à aimer à son tour. De même, la création de l’humanité découle de l’amour en Dieu qui veut s’étendre, se partager avec un plus grand nombre, grandir et se multiplier. Cette réalité explique l’importance centrale des relations pour l’être humain et fait de l’amour la visée même de notre existence. A l’inverse, si l’évolution biologique (que je tiens pour une réalité) était la seule force à l’œuvre, la seule raison de notre existence, toutes les formes d’amour humain ne seraient que la résultante des besoins de la survie et de la reproduction.
La place centrale de l’amour dans la destinée humaine, qui découle de la vision trinitaire de Dieu, peut sembler idyllique et le lecteur est en droit de demander pourquoi l’amour est si difficile et si peu présent dans le monde où nous vivons. La réponse biblique est que l’humanité a choisi de se couper de l’amour de Dieu, pensant gagner par là son autonomie, mais perdant en fait le lien à la source de l’amour vrai. C’est pour cela que le récit biblique est une histoire de rédemption, de ce que Dieu fait pour ramener l’humanité dans l’amour. Mais cela est une autre histoire… 

Jean-René Moret physicien, théologien, pasteur et co-auteur d’Epîtres aux geeks: une approche analogique de la science et de la foi (éd. Scripsi)

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Janvier 2022

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