«La France sans les juifs de France n’est pas la France. Je ne veux plus que dans notre pays, il puisse y avoir des Juifs qui ont peur». Le 13 janvier, à l’Assemblée nationale, dans son discours d’hommage aux victimes de la tuerie du supermarché casher, Manuel Valls a employé des mots forts. Mais suffiront-ils à apaiser la communauté juive ? Déjà attisée par les attentats de Toulouse en 2012 et de Bruxelles en 2014, la peur a grimpé d’un cran avec les événements du 9 janvier. EbenEzer, association chrétienne dont l’objectif est d’aider les Juifs à émigrer en Israël, sans prosélytisme, l’a constaté : «Une dame, chez qui la peur était déjà latente, nous a téléphoné en pleurs, angoissée. Les personnes qui avaient déjà le projet de faire leur Alyah (ndlr : l’immigration en Terre sainte) nous relancent et de nouvelles personnes prennent contact», relate Xavier Darrieutort, coordinateur national. Selon lui, les départs vers Israël s’amplifieront, surtout ceux des Juifs pratiquants et des familles. Car s’il est possible de mettre un policier devant chaque école juive, il n’est pas possible d’en mettre un derrière chaque enfant. «Certains seront rassurés par les mesures mises en place par le gouvernement, pour d’autres cela ne suffira pas. Surtout lorsqu’ils sont dans les quartiers, les écoles ou les magasins juifs». Josué Turnil, de Juifs pour Jésus, confirme : «Avant, l’Alyah était une tentation, aujourd’hui c’est une nécessité». Et de souligner que les actes antisémites se sont multipliés par dix en dix ans, atteignant le seuil des 10 000. «Lorsqu’Ariel Sharon avait lancé le même appel que Netanyahu (“Israël est votre foyer”), les Juifs avaient le sentiment d’avoir leur place en France. Aujourd’hui, l’insécurité prend le dessus».