Voyage à Babylone
Babylone, probablement la plus grande ville de l’Antiquité, est devenue pour les chrétiens le symbole de la cité mercantile, corrompue et déshumanisée. Mais pourquoi cette haine ? Les rédacteurs de la Bible se sont-ils vengés de cette puissance qui a conquis et rasé Jérusalem, puis déporté le peuple des Hébreux pendant trois générations ? Non, la rivalité est plus ancienne. Il faut revenir au début de la Genèse où se dévoile, dans la fondation de Babel, un projet mondialisant précurseur.Très tôt dans l’histoire biblique, l’humanité a voulu prendre son indépendance («Faisons-nous un nom») sous la direction d’un homme fort, Nimrod («rebelle»). Elle l’a signifié en bâtissant une tour : signe de puissance, de ralliement pour les contemporains et défi au ciel. La signature apparaît : humanisme triomphant et despotisme.
La luxure et le commerce viendront plus tard.La création des nations remonte à ce moment-là : c’était un remède, temporaire, à l’unification prométhéenne de l’humanité. À noter aussi que la réponse divine ne tarde pas puisque l’épisode suivant dans le texte biblique est l’appel d’Abraham.
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Babylone, un système spirituel
Les rabbins puis les théologiens ont toujours lu cet épisode avec en arrière-fond l’idée que matériel et invisible, réalité charnelle et réalité spirituelle étaient indissociables. Leur conclusion : il y a une dynamique, une puissance, un système spirituel qui porte le nom de Babylone depuis qu’il s’est révélé dans l’Histoire sous cette forme. Il en va de même avec Jérusalem, la ville du grand roi. L’histoire biblique dévoile deux forces travaillant à unir l’humanité, mais dans des optiques différentes. L’une autour de Jérusalem, de Sion et du Roi qui en sortira pour y régner. L’autre autour de Babylone, de son Empire et de ses successeurs qui vont tenter d’unifier l’humanité sous une bannière unique et autonome. Mais dès les prophètes d’avant l’exil, son échec final et son jugement express sont annoncés.Les nombreuses sociétés secrètes et initiatiques viendraient de l’antique Babylone, même quand elles ont transité par l’Égypte, le berceau des religions à mystères antiques. L’hindouisme serait un rejeton du panthéisme babylonien. Qui est Babylone ?Babylone réapparaît à la fin de la Bible, en Apocalypse, dans une vision à donner la nausée et qui stupéfie celui qui la reçoit. La cité n’est alors plus qu’une ruine et ne représente plus une puissance politique depuis des siècles. Au contraire, l’apôtre Jean découvre une figure féminine, la débauche, l’asservissement complice des élites et une haine sanguinaire contre les saints de Dieu. La religion sera utilisée comme un moyen de contrôle.Pour la plupart des commentateurs, la Babylone de l’Apocalypse évoque Rome, puisqu’elle est posée sur sept montagnes/collines. Plus rares ceux qui en parlent comme de Jérusalem : en effet, dans l’Ancien Testament, la cité du grand roi est volontiers qualifiée par les prophètes, dans sa désobéissance, de «pute» (sic). Babylone, pour les Réformateurs, c’était la Rome papale.
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