La sociologue Prisca Robitzer a analysé la tension entre les deux représentations de la laïcité en vogue : une interprétation libérale pluraliste et l’autre dite républicaine. «La première défendra la liberté d’expression et le respect égal de toutes les conceptions de la vie. Dans la seconde, la neutralité étatique et la séparation font figure de finalités pour la laïcité, quitte à prévaloir sur la liberté et l’égalité des citoyens.»
Le problème, c’est qu’aucune des deux ne parvient à nourrir l’identité française, malmenée actuellement. La première est mise à mal par un individualisme porté aux nues : «Cette prise de position pour l’individu peine à fonder l’identité d’un collectif qui se cherche et peine par là même à incarner l’essence de l’identité française». La seconde interprétation, dite républicaine, «peine à s’adapter à la diversité ambiante et fonde l’identité française en exigeant l’effacement de certaines expressions identitaires».
Forte de ce constat, Prisca Robitzer plaide pour une laïcité articulée autour de la fraternité humaine. «Sa simplicité est déconcertante, mais sa force fondatrice l’est encore plus. Car affirmer la fraternité, c’est affirmer la réciprocité donc le fait d’être des vis-à-vis l’un pour l’autre. C’est affirmer : “Tu es un égal à moi-même, tu es un autre moi. Et, en vertu de cette réalité fondatrice, tu es et tu dois être libre. Tu es et tu dois être mon égal. Nous méritons les mêmes droits et devoirs”». Un défi pour les évangéliques qui, conscients de faire partie du corps du Christ, en oublient parfois leur solidarité avec tous ceux qui partagent leur condition humaine, a encore affirmé la sociologue.

Christian Willi

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – mars 2015

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