Un repas interdit
– J’ai dit, on ne touche pas!
– Mais papa, j’ai faim!
– Je sais bien que t’as faim! Patiente un peu, on ne devrait pas tarder à avoir quelque chose à manger.
– Ça fait trois jours que tu dis ça, mon chéri! Trois jours que nous n’avons rien mangé. Pour nous les adultes, ça va, on a des réserves, mais le petit est en pleine croissance. Il faut qu’il mange!
– J’ai faim, j’ai faim!
– Tais-toi Léo et pense à autre chose!
– A quoi veux-tu que je pense alors que j’ai un somptueux repas juste devant moi?
– Je t’ai déjà dit de laisser ça tranquille. On ne joue pas avec la nourriture!
– Mais faudrait savoir, tu viens de me dire qu’on n’avait pas le droit de le manger. Si ce n’est pas de la nourriture, je peux jouer avec! Il faut être cohérent.
– Fais attention à ce que tu dis, Léo! Je suis ton père, ne l’oublie pas. Je peux encore te mettre une raclée dont tu te souviendras longtemps.
– Calmez-vous, tous les deux! Ce n’est pas parce qu’on a faim qu’on doit devenir désagréable. Chéri, je n’arrive pas à comprendre pourquoi on ne peut pas toucher à cette nourriture. Elle a l’air fraîche et appétissante. Je ne suis pas certaine de la provenance de la viande, il n’y a pas d’étiquette, mais on ne devrait pas s’arrêter à ce genre de détail dans notre situation. Il faut être un peu souple en période de crise. Et trois jours sans manger, c’est une crise!
– Chérie, tu as vu le monsieur qui se tient immobile dans le coin, là-bas?
– Oui, bien sûr! Mais il n’est pas comestible, c’est un ange!
– Oui, c’est un ange, et il protège celui que tu considères comme notre repas et que le Maître tient pour son enfant. On ne touche pas aux enfants du Maître. Celui-ci s’appelle Daniel. Or on ne devrait pas tarder à nous servir toute une collection d’humains bien gras et parfaitement comestibles. C’est juste une question de patience.
Pierre-Yves Zwahlen
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Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – juin 2014
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