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Suivre Jésus, c’est aimer les Zachées modernes

© Capture d’écran Angel.com
Peut-on aimer les nouveaux riches? Jésus s’est invité chez Zachée et de leur communion a émergé la générosité. Parti pris.
Holger Wetjen

Avignon. Une soirée dans une colocation. Nous partageons un repas. Il y a de nouveaux visages. Antoine, vingt-cinq ans, joue de la flûte. Son jeu ravit l’audience. Au repas, nous parlons de nos métiers. Antoine est ingénieur, il travaille dans une centrale nucléaire, qui devient le sujet de discussion de la tablée. Son ami Vincent nous confie qu’en principe, il est contre le nucléaire, mais dans le cas de son ami Antoine, il salue sa réussite professionnelle: «Antoine et moi, nous sommes amis depuis notre enfance», raconte-t-il. «Je connais sa famille. Il a grandi dans une extrême précarité. Ses parents travaillent à l’usine. Souvent, ils n’avaient pas le nécessaire pour vivre.

A l’école, Antoine était moqué et isolé à cause de ses vêtements. Mais ensuite, il a travaillé dur. Il a obtenu une bourse et est entré à l’Ecole d’ingénieurs.» Et comme Vincent approuve mon aversion pour l’énergie nucléaire, il ajoute: «En principe, je suis contre le nucléaire, comme toi. Mais pour Antoine, je fais une exception. Son travail à la centrale lui donne de l’estime de lui-même et de la reconnaissance. Pour la première fois dans sa vie, il se sent mis en valeur. Depuis qu’il travaille à la centrale, il est redevenu social. Aujourd’hui, il accepte les invitations et y joue même de la flûte!»

Et ainsi je réfléchis au nucléaire, aux intellectuels écolos, à l’arrivisme social et aux bobos. C’est qui les bobos? Ce soir, le bobo, c’est moi! Mais Antoine, c’est un mec qu’il faut aimer! Un marginal, un excentrique, un original. Et, en fait, nombre de nouveaux riches sont comme lui. Toutes mes idées requises sur la dynamique et le renouvellement des sociétés industrielles sont mises en question. Si je peux comprendre et aimer Antoine et son parcours, je peux pareillement comprendre et aimer le directeur d’un grand réseau social et son parcours. Je peux même l’aimer dans le cas où il pousse ses salariés à faire leurs cartons, pour éviter la faillite imminente de la société.

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Zachée en exemple

Nombre de nouveaux riches se sont construits dans un besoin d’émancipation. Ils étaient harcelés à l’école, solitaires et ce rejet a forgé leur ambition. Il leur fallait prouver les compétences. C’est ce qu’a vécu Zachée avant de rencontrer Jésus. Il est devenu le chef des collecteurs d’impôts; un nouveau riche. Il est aussi un peu excentrique, peut-être même antisocial. Lorsque Jésus entre dans Jéricho, Zachée cherche à voir qui est Jésus. Mais la foule ne le laisse pas passer. Zachée est un hors-la-loi, exclu parce que son métier et son statut social ne lui permettent pas d’observer la Loi de Moïse. Depuis l’an 6, la Samarie - où Jéricho est située - est annexée à la province romaine de Syrie. Au service d’Hérode Antipas et de ses maîtres, les percepteurs d’impôts sillonnent les territoires.

On peut supposer que Zachée appartient à la génération de Jésus. La carrière du collecteur d’impôts lui ouvre une perspective que ses parents n’avaient pas. Lorsque la foule empêche Zachée de parvenir à Jésus, il monte sur un sycomore. Jésus lève ses yeux et lui dit: «Dépêche-toi de descendre, Zachée, car il faut que je loge chez toi aujourd’hui.» Lorsque Zachée reçoit Jésus avec joie, les témoins critiquent Jésus et disent: «Cet homme est allé loger chez un pécheur!» Mais c’est justement ce repas partagé qui transforme le cœur de Zachée: «Ecoute, Maître», confie le collecteur à Jésus, «je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres et si j’ai pris trop d’argent à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois autant.» Et Jésus lui dit: «Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison, parce que tu es, toi aussi un descendant d’Abraham. Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus» (Luc 19, 1-10).

La pyramide de Maslow

Il existe, dans la psychologie moderne, un outil très compatible avec l’enseignement de Jésus: la pyramide de Maslow, pour étudier les motivations et les besoins d’un être humain dans son contexte socio-économique spécifique. Cette pyramide, élaborée par Abraham Maslow (mort en 1970), nous permet de saisir la psychologie d’une personne et ses choix sociaux et professionnels. Dans cette pyramide se succèdent les besoins humains de façon suivante: les besoins physiologiques en premier (respirer, boire, manger, avoir chaud, toucher et être touché), les besoins matériels en deuxième (la sécurité économique), l’appartenance en troisième, la reconnaissance en quatrième (d’être mis en valeur), l’estime de soi en cinquième (dignité et autonomie), la réalisation en sixième (avoir un sens à la vie) et, en septième position, le besoin de transcendance.

Ces étapes sont successives; chaque étape est la condition de celle qui lui suit. Dans notre vie humaine, nous prenons ces étapes successivement. Le constructeur d’automobiles Ferrari en est un exemple parlant. A la fin de sa carrière, il est devenu simple paysan dans un village italien. Quant à l’auteur John Robbins, il a grandi dans l’empire économique de son père, qui siégeait à la tête d’une société alimentaire spécialisée dans la production des glaces. Le fils aurait pu prendre sa filiation, mais la renommée internationale de sa famille lui a permis de monter au niveau supérieur, celui de la transcendance. Il consacre désormais sa vie et ses publications à la pédagogie de l’alimentation végétarienne.

Dans La force d’aimer, (éd. Casterman), le pasteur Martin Luther King décrit le sacerdoce en écrivant que Jésus-Christ est «le non-conformiste le plus engagé du monde, dont le non-conformisme moral lance encore son défi à la conscience de l’humanité».

Les influenceurs, ces nouveaux riches

Les Zachées d’aujourd’hui, ce sont les influenceurs, ce sont les nouveaux riches et les milliardaires qui fondent les super-plateformes, mélangeant une foule de services, allant du microblogging, à la géo-localisation en passant par des systèmes de paiement. Le défi en 2023 consiste à étudier ensemble la gestion d’une entreprise, jusqu’à faire la démonstration, économiquement et juridiquement fondée, que l’on peut éviter la faillite d’une grande société et en même temps garder l’ensemble des salariés.

Jésus nous donne un commandement nouveau: «Aimez-vous les uns les autres» (Jn. 13, 34). Aimer le nouveau riche, c’est l’aimer tel qu’il se présente avec son sourire et sa créativité, mais aussi avec ses excès et ses fautes. L’amour de Jésus est sans condition. L’être humain est rendu juste par la foi seule, il est sauvé par la seule grâce de Dieu. Même au nouveau riche, il faut exprimer son affection, apprécier ses engagements pour faire vivre la société. C’est ensuite seulement que le milliardaire sera incliné à repenser les éléments de sa politique, à donner la moitié aux pauvres et à oser une gouvernance plus courageuse et plus respectueuse de ses salariés. Les nouveaux riches se sont construits dans un besoin d’émancipation. Il faut les accueillir pour que cette émancipation se révèle une marche sur leur escalier vers la transcendance.

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mars 2023

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