Sénégal: les chrétiens misent sur l’action sociale
Pays d’Afrique de l’Ouest à majorité musulmane (plus de 90%), le Sénégal est réputé pour être un pays de dialogue et de compromis. Pourtant par vagues au cours de la dernière décennie, au moins une dizaine d’églises évangéliques ont été la cible d’actes de vandalisme.
La persécution n’est pas toujours physique
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«La menace est là, elle est réelle. La persécution existe, même si elle n’est pas toujours physique», assure Adiouma Gning, pasteur de l’Eglise évangélique protestante du Sénégal et secrétaire général du Conseil national protestant évangélique du Sénégal (CNPES). «Le 7 décembre par exemple, un membre de mon Eglise a été traîné devant le tribunal par sa femme, musulmane, pour divorcer car il s’est converti à Jésus», relate le représentant d’une des faîtières des évangéliques du Sénégal.
Perte des liens avec la famille, perte de la garde des enfants et parfois perte de travail, tels sont les risques pour de nombreux jeunes convertis, pointe Adiouma Gning. «C’est une persécution assez présente sur le plan psychologique, social et relationnel. Ajouté à cela dans un pays pas encore bien développé, les conséquences économiques peuvent être dramatiques.» Adiouma Gning se réjouit cependant de vivre dans un pays politiquement stable, dont l’Etat est laïc et protège les minorités.
Les évangéliques gagnent en crédibilité
«Ces vingt dernières années, la population sénégalaise a adopté un meilleur regard sur les évangéliques», observe Pierre Teixeira, pasteur à Dakar pendant six ans, aujourd’hui étudiant en théologie pratique. «Les gens entretenaient encore une image écornée, considérant les évangéliques comme des sectaires, notamment à cause de la présence d’Eglises anglophones parfois sujettes à des dérives, comme la théologie de la prospérité par exemple.»
Ces dernières années, les évangéliques ont donc gagné en crédibilité notamment grâce à l’action sociale, relève Pierre Teixeira. Il pointe l’arrivée de Mercy Ships, l’implantation d’hôpitaux à Dakar, d’un centre médico-sportif et de nombreuses écoles sur l’ensemble du territoire. Ces infrastructures ont été implantées par les Assemblées de Dieu qui ont «montré à la population que les évangéliques ne sont pas des prosélytes qui viennent prendre les enfants de la Téranga (générosité sénégalaise) et les séparer de leurs familles».
Croissance réjouissante
Minorité dans la minorité, les évangéliques représentent environ 0,2% de la population (en nette croissance) répartis dans environ 300 Eglises, selon l’estimation du CNPES. La plupart des grandes Eglises sont implantées à Dakar, la capitale, mais aussi à Thiès ou en Casamance, région du Sud où la minorité chrétienne est la plus forte (environ 17%, principalement des catholiques).
«L’implantation est beaucoup plus difficile en milieu rural, où les Eglises comptent souvent quatre ou cinq membres qui se réunissent dans des maisons», souligne Adiouma Gning qui se réjouit cependant de voir une «progression réelle» de l’Evangile sur le terrain. Il poursuit: «Il y a aussi des conversions parmi des membres de peuples non-atteints.» Cela a par exemple été le cas de la fille d’un chef pular, ethnie à 99,97% musulmane. Selon les données du Joshua project ce peuple compte 0,00% de chrétiens. C’est donc en train de changer.