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Retour au natalisme pour éviter le déclin démographique?

© Istockphoto
Pour permettre un bon financement des retraites, la droite et l’extrême-droite politiques promeuvent une politique nataliste. Décryptage.
Charlotte Moulin

La question d’une politique nataliste, qui voudrait «faire faire» plus d’enfants, a refait surface dans les milieux politiques de droite et d’extrême-droite. Autour du passage en force de la loi sur la réforme des retraites en mars, plusieurs députés ont commencé à avancer leurs arguments. Essentiellement, il s’agirait de susciter assez de futurs cotisants pour les financer, plus que les 1,83 enfant en moyenne par femme dénombrés actuellement.

«Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez» est l’une des premières paroles que Dieu a adressées aux hommes dans la Bible (Gen. 1, 28). Mais pour Anne-Christine Boyer, sur le terrain en tant que sage-femme à l’hôpital public de Tulle (Corrèze), comme pour Luc Olekhnovitch, président de la Commission d’éthique protestante évangélique (CEPE), élever cette cause au niveau de la politique nationale ne serait ni réaliste, ni pertinent, ni spirituel.

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Des enfants sans parents

Enjoindre les couples, et notamment les femmes, à avoir plus d’enfants soulève d’une part la question du contexte dans lequel on les élève: «Comment ne pas voir qu’une natalité débridée, sans paternité et maternité responsables, ni structures sociales adaptées, est un facteur de pauvreté et de graves problèmes sociaux?» interroge le pasteur de Viry-Châtillon (Essonne). Anne-Christine Boyer exerce depuis douze ans, et elle déplore la situation des «familles recomposées de nombreuses fois, avec des pères différents et des mères qui peinent financièrement et psychologiquement».

Le désir d’avoir des enfants, chez les chrétiens comme dans l’ensemble de la population, ne prend du reste pas racine dans un terreau politique. «Nous avons une source de vie en nous créée par Dieu et toujours l’espoir qui est lié à la vie en famille, qu’il a instaurée», appuie en revanche la sage-femme. Dans son métier, elle a par ailleurs remarqué que les foyers traditionnels ayant trois enfants ou plus sont souvent catholiques, du fait d’un accent sur la procréation.

La vie n’est pas une idéologie

Des pays comme l’Italie, l’Espagne, la Hongrie, le Japon ou le Canada appliquent une politique visant à favoriser les naissances. Et si pour Luc Olekhnovitch, la confiance en l’avenir est peut-être ébranlée par la crise économique ou écologique, «accueillir les enfants que Dieu nous donne est le fruit d’un cœur confiant et reconnaissant, non d’une idéologie. L’un de ses noms est le Vivant. La bénédiction du don de la vie n’est pas une idéologie, mais un cadeau à recevoir», assure-t-il.

Derrière le natalisme des Républicains et du Rassemblement national il y a «un rejet d’une immigration extra-européenne, en particulier de culture musulmane, pour combler le déficit démographique», analyse le pasteur. «Cette idéologie nataliste cache donc un nationalisme incompatible avec la foi chrétienne, qui se heurte directement au “Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu” de Jésus» (Mat. 6, 33), ajoute-t-il. «Avec lui, le point focal n’est plus de remplir la terre, car c’est déjà fait selon moi, mais de remplir le Royaume des cieux.»

Une manœuvre antiféministe?

«Lâchez nos utérus!» s’est écrié la députée EELV Sandrine Rousseau en février. Une réaction outrée au propos de Thibault Bazin (LR), qui défendait un amendement pour «relancer et soutenir la natalité» grâce à un avantage fiscal pour les mères de famille. Toutefois, Anne-Christine Boyer nuance les enjeux en cause ici. «Le féminisme à la française est anti-maternel», avertit-elle. «Je préfère le féminisme à la scandinave, selon lequel une femme fait ce qu’elle veut, du point de vue parental et professionnel, sans que personne ne lui demande quoi que ce soit.»

Luc Olekhnovitch termine: «Le politique ne saurait contraindre les consciences.» Il privilégie l’idée d’une politique qui favorise «une natalité choisie et le bien-être des familles en général». Une voie à suivre en parallèle serait d’anticiper avec sagesse l’avènement d’une société plus âgée.

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mai 2023

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