Un Carnet vert, Luc Zbinden, éd. Favre

«Sais-tu que ton grand-père a protégé des Juifs, pendant la guerre?». Cette phrase, prononcée de façon «anodine» par les tantes de Luc Zbinden ont provoqué un raz-de-marée dans la vie de cet enseignant passionné d’histoire. Mené à la première personne, cet ouvrage est l’aboutissement de quinze années de recherches sur le pasteur Paul Zbinden et la famille juive qu’il a cachée durant la Deuxième Guerre mondiale. Mais c’est aussi une quête initiatique d’un évangélique qui retrouve les racines juives de sa foi dans divers lieux, diverses sources… et qui crée, finalement, sa propre histoire.
Une énième enquête visant à laver les consciences du génocide des Juifs en Europe? Non, puisque ce genre de récit est encore criant d’actualité: partout, des êtres humains souffrent et il nous est défendu de rester indifférents à leurs cris. Et les projets tels que ce livre rappellent quelle est l’attitude des héros face à un génocide. Celle d’aimer, d’abord, pour accueillir, ensuite, et se battre, enfin. Ils donnent la parole au passé; celui-ci dit au présent: «Tu n’as aucune excuse, parce que tu as des yeux pour lire.»  

À l’écoute de la Création, Michel Maxime Egger, éd. Cabédita

Ce livre de l’écothéologien Michel Maxime Egger ne prétend pas être un résumé exhaustif de la théologie verte, mais un appel. En effet, comme l’annonce l’auteur, «la tâche est immense» s’il faut «mettre la Bible à l’épreuve de l’écologie» et vice-versa. Il propose trois changements de regard: «sur la nature, sur Dieu, sur l’être humain». L’ouvrage se concentre sur la relation entre les deux premiers points; le dernier aura droit à sa propre étude.
Le théologien ne cache pas son militantisme: à travers l’étude biblique et des Pères de l’Eglise, il se fait l’apologète d’une Terre à protéger à tout prix, parce qu’elle est Création – et que la Création est le temple de Dieu. Si la densité de l’ouvrage pourra en décourager certains, le style n’en reste pas moins fluide et l’approche intéressante, propre à convaincre et à mettre en marche.  

Dieu sans confession, Geneviève Decrop, éd. Vérone

Le sous-titre de cet ouvrage, «Pour une lecture non sexiste et non religieuse de la Bible», a de quoi faire hausser un sourcil. Dieu le Père sans patriarcat? Des chrétiens sans christianisme? A l’instar d’un Blaise Pascal qui tente de convaincre des érudits de la pertinence du message biblique, Geneviève Decrop, chercheuse diplômée de l’EHESS, veut essayer d’expliquer aux «esprits ouverts» qu’il est encore pertinent de lire la Bible au 21e siècle, au nom d’une «Vérité» relative et cachée.
Explorant certains des premiers livres de la Bible, l’auteure aborde les grands «sujets qui fâchent» dans une perspective historique et littéraire: mythe des origines, matriarcat, violence de la conquête de Canaan, etc. En distinguant souvent ce qui relève des codes sociaux et de la loi de Dieu, la chercheuse démontre tous les enjeux culturels sous-jacents à des textes écrits il y a plus de 2000 ans. Si l’approche, dénuée de toute forme de spiritualité, pourra surprendre le lecteur chrétien, Geneviève Decrop propose une analyse fine, intelligente et rafraîchissante de passages essentiels de ces premiers livres bibliques.  

Fenêtres sur l’invisible, Éric Fuchs, Labor et Fides

Voilà un peu plus d’un an que le monde chrétien a perdu Eric Fuchs, directeur du Centre protestant d’études à Genève entre 1960 et 1979 et professeur d’éthique aux universités de Lausanne et de Genève entre 1981 et 1998. Auteur prolifique, il laisse derrière lui une œuvre théologique et éthique considérable dont Fenêtres sur l’invisible est l’anthologie. Un choix de textes établi par sa fille, la linguiste Catherine Fuchs, et le théologien Michel Grandjean, sur les thèmes de prédilection de l’éthicien: la Bible, l’éthique chrétienne, l’œcuménisme, la sexualité et la mort, pour ne donner que quelques exemples.
Une anthologie qui fait honneur à celui qui, en publiant Le Désir et la tendresse (éd. Labor et Fides) en 1979, a réussi le pari de réconcilier la foi chrétienne et une approche positive de la sexualité. L’ouvrage plaira à un public habitué au jargon universitaire, même si les textes compilés sont relativement courts et concernent des points encore brûlants d’actualité, pour la plupart. Un auteur à (re)découvrir absolument.  

Devenez une maison de prière, Éric Célérier, autoédition

Pasteur associé dans la méga-Eglise MLK Créteil, fondateur de TopChrétien et d’un grand nombre de projets connexes, conférencier, ambassadeur de la série «The Chosen»… difficile de trouver une corde qu’Eric Célérier n’a pas encore à son arc. Dans cet ouvrage autoédité et autopréfacé issu d’une série de visioconférences, l’auteur entend dévoiler les «mystères cachés» de la prière enseignée par Jésus. Selon lui, le Notre Père est organisé comme une «maison spirituelle» qui peut «transformer notre vie quotidienne».
Axé sur le développement spirituel personnel, l’ouvrage propose de rendre sa profondeur à une prière souvent récitée, peu méditée. Conscient des habitudes de lecture du grand public, Eric Célérier propose un «ouvrage internet», avec des chapitres courts, des indications de temps de lecture et de nombreux éléments visuels. Le contenu fait une part belle aux témoignages et à un grand nombre de versets liés au Notre Père, sans jamais trop entrer dans les détails. Il n’en reste pas moins une bonne découverte pour toute personne désirant se plonger un peu plus dans cette prière commune.  

L’éthique: une chance pour la vie, Denis Müller, éd. Cabédita

Le pari qu’a pris le professeur d’éthique Denis Müller, c’est d’écrire des lettres à ses petits-enfants afin de leur résumer ses «idées principales» en ce qui concerne son champ d’étude. Le tout sans trop s’encombrer de vulgariser, misant sur «l’intelligence naturelle» de l’être humain et en particulier des enfants. Un parti pris pédagogiquement discutable.
Six lettres, donc, qui abordent une grande variété de sujets assez accessibles pour un public large, dans une perspective chrétienne. De nombreux témoignages personnels ou de tierces personnes, des idées parfois organisées en points clés, l’apostrophe aux enfants, entre autres, rendent cet ouvrage plus facile à lire qu’un gros ouvrage d’éthique. Les sujets qui y sont abordés (l’amour, le transgenrisme, l’assistance au suicide, etc.) intéresseront une grande variété de lecteurs. Un bel ouvrage pour une meilleure réflexion.  

S’ouvrir à l’espérance, Diane Langberg, éd. Excelsis

Sous-titré «Cheminer vers la guérison après le traumatisme de l’abus sexuel», cette traduction qui vient de paraître aux éditions Excelsis tombe à point nommé. Deuxième ouvrage de la psychologue chrétienne Diane Langberg sur le sujet, il se concentre sur le point de vue de l’abusée ou de l’abusé.
L’auteur étatsunienne ouvre la discussion sur ce sujet sensible en s’adressant directement aux abusés. Néanmoins, l’ouvrage édifiera tout autant les personnes qui s’intéressent à ce sujet en le traitant sous de nombreuses coutures. L’auteure y propose notamment des suggestions pour ceux qui accompagnent les survivants. Simple petit bémol: on aurait aimé un mot concernant les agresseurs, mais peut-être le trouvera-t-on dans la traduction de Redeeming Power, Understanding Authority and Abuse in the Church (éd. Brazos Press), sorti en anglais en 2020.  

Le Handicap: l’affaire de tous, Collectif, éd. Croire

Cette édition de la revue Croire et lire porte sur la question du handicap: qui est concerné? Comment le handicap est-il perçu et vécu? Qu’en dit la Bible? Rédigé en partenariat avec les AFP (Associations familiales protestantes), l’ouvrage donne des éléments de réponse à ces questions et l’éditeur tend le micro aux premiers concernés.
La problématique de l’inclusion des personnes en situation de handicap dans nos communautés (cf. notre article «Handicap: trouver sa place dans le corps de Christ» dans notre dossier d’octobre 2023) est prise à bras le corps. Elle remet en question notre «culte de la performance» (Frédéric de Coninck, sociologue); elle demande d’aller «au-delà de la simple sensibilisation pour promouvoir une véritable empathie» (Françoise Caron, présidente des AFP); elle nous apprend à «soumettre notre volonté à celle de Dieu» (Marc Brunet, handicapé).  

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Février 2025

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