Skip to content

Les Arméniens en bons Samaritains

L'édito de l'édition de mars 2023
David Métreau

La Turquie et la Syrie pleurent leurs morts. Plus de 33 000 personnes ont perdu la vie suite aux séismes de magnitude 7,8 et 7,5 survenus près de la frontière entre les deux pays, le 6 février, selon un bilan encore provisoire à l’heure où ces lignes sont écrites. Vingt-trois millions de personnes ont été potentiellement touchées par les conséquences directes et indirectes du séisme, selon l’OMS. Très vite, la communauté internationale s’est mobilisée et de nombreux secouristes et sauveteurs ont été envoyés sur place, principalement en Turquie dans les régions de Kahramanmaras, Gaziantep, Osmaniye, Malatya, Hatay, Adiyaman ou Kilis.

Lueur d’espoir dans un ciel sombre de souffrance, parmi ces pays solidaires figurent certains qui - et c’est peu dire - ont des relations diplomatiques tendues avec la Turquie. C’est le cas en premier chef de l’Arménie, mais aussi de la Grèce, de la Suède, d’Israël ou encore, dans une moindre mesure (en termes de tension) de la France. Leurs différends peuvent être profonds, surtout pour le premier cité, l’Arménie, dont le peuple a subi un génocide de la part des Ottomans puis des Turcs, causant la mort de 1,2 millions à 1,5 millions de morts de 1915 à 1923. D’ailleurs, hasard de l’histoire, l’historiographie contemporaine estime que le génocide des Arméniens se conclut par la signature du traité de Lausanne le 23 juillet 1923. Soit, il y a exactement un siècle.

Et cent ans plus tard, en dépit des tensions persistantes, malgré le déni répété de ces crimes contre l’humanité de la part de la société turque, laissant de côté le soutien des autorités de la Turquie à l’Azerbaïdjan, pays agresseur de l’Arménie, celle-ci n’a pas hésité à envoyer des secouristes au service de la population turque. Plus qu’un symbole, pour la première fois depuis trente-cinq ans et la première guerre dans le Haut-Karabagh, la Turquie a rouvert son poste-frontière avec l’Arménie pour laisser passer cinq camions de matériel d’aide.

Sans être naïfs sur la nature potentiellement diplomatique d’une telle solidarité (ce qui n’est pas mal en soi!), les Arméniens se sont comportés en bons Samaritains vis-à-vis des Turcs. Littéralement. Certes ce n’était qu’une poignée de sauveteurs me diriez-vous, une quarantaine tout au plus, mais le nombre n’est ici pas important, c’est la portée symbolique qui l’est. Eux les mécréants, les infidèles, les impurs (du point de vue des islamistes et/ou des nationalistes turcs) ont vu ces blessés sur le bord du chemin et se sont arrêtés, quand d’autres coreligionnaires ont fermé les yeux et tracé leur route.

Ils se sont comportés en chrétiens avec compassion et amour, fidèles aux paroles de Jésus: «Mais moi, je vous dis: aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent» (Mat. 5, 44-45). Puisse cet acte symbolique toucher le cœur des autorités turques et de leur président Recep Tayyip Erdogan.

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mars 2023

Publicité