Le service en Église, une idée désuète?
«J’aime beaucoup saluer les personnes qui arrivent à l’Eglise le dimanche matin. C’est une façon de les accueillir pour qu’ils se sentir pleinement inclus.» Joanne, quarante-quatre ans, assume le service de l’accueil avec son mari depuis plusieurs années dans l’Eglise évangélique où elle a grandi. Il lui arrive de s’occuper de la Sainte-Cène et elle est régulièrement sollicitée pour présider les célébrations. Un rôle qu’elle prend aussi à cœur, même si elle avoue préférer «rester dans l’ombre».
Accepter de servir dans plusieurs domaines et plusieurs dimanches par mois, comme Joanne, semble être la norme pour la plupart des évangéliques qui fréquentent régulièrement leur Eglise locale. Mais ils sont de moins en moins nombreux à accepter de servir à tout-va, privilégiant plutôt des domaines choisis et limités dans le temps. Au-delà d’une question d’époque, quelle évolution de la théologie du service est à constater?
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La foi mise en pratique
Selon Cyrille Court, officier à l’Armée du Salut, responsable du recrutement des officiers en Suisse romande et de leur formation sur le plan national, le service constitue, dans une perspective néotestamentaire, le but de toute connaissance théologique. «Ce qui fait la différence entre la pure connaissance théologique et le discipulat, c’est que le disciple met en pratique ses connaissances théologiques dans le but d’accomplir la volonté de Dieu.»
Dès les débuts des communautés de premiers chrétiens, la question de la cohérence entre ce qui est compris et ce qui est vécu prime. «Après avoir exposé les fondements de l’Evangile, l’apôtre Paul, au début de la seconde partie de son épître aux Romains, montre toute l’étendue d’une vie qui doit être consacrée (Rom. 12). L’Evangile est un message résolument pratique», poursuit-il. Et d’ajouter que la structure des épîtres se veut éloquente, avec une première partie accordée à la théologie et la seconde à la pratique.
Joanne décrit un même mouvement d’une théologie qui trouve son épanouissement dans le service. «C’est parce que Jésus a été le premier à me servir que je veux le servir à mon tour par des gestes pratiques et concrets. Tout comme lui l’a fait auprès de ses disciples, je veux me présenter comme une “servante” à sa suite», témoigne la mère de famille. Un écho certain à l’apôtre Paul, qui se présentait lui aussi – comme l’indique Cyrille Court – comme le «doulos» (serviteur, esclave) de Christ.
Pour un équilibre
Mais ce service a souvent laissé place à une réflexion théologique déconnectée: «Le théologien qu’on admirait était celui qui avait une connaissance accrue de l’histoire de la pensée chrétienne, capable d’analyser les concepts les plus sophistiqués et de maîtriser les détails des textes bibliques. La façon dont il vivait cela était reléguée en arrière-plan», argumente Cyrille Court en ajoutant que le problème ne s’est pas estompé avec le temps, puisque «des scandales récents dans des facultés de théologie en témoignent».
Dès lors, entre compréhension intellectuelle de la théologie et mise en pratique, l’écart est parfois difficile à surmonter. Toutefois, pour Cyrille Court, la conclusion est sans appel: «La fidélité à Dieu est la mise en pratique des connaissances que l’on a de Dieu. En ce sens, “théologie de service” est une expression redondante d’un point de vue biblique. Sans service, la théologie est morte.»