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L’alcoolisme touche aussi les chrétiens

Femme d'affaires pensive assise sur le comptoir de la cuisine en marbre, tenant un verre de vin et regardant une bouteille de vin. Femme buvant de l'alcool, essayant de soulager le stress au travail.
© iStock
Malgré le tabou qui l’entoure, la dépendance à l’alcool n’épargne pas les chrétiens. Briser le silence et reconnaître que cette dépendance est pathologique sont les premiers pas vers la guérison. Le point
Charlotte Moulin

«Il y a de cela bien longtemps, je partais du principe que ma foi chrétienne me préservait du genre de grave immoralité que représentait à mes yeux l’alcoolisme», témoigne Heather Kopp, auteure de Chrétienne et alcoolique (éd. Ourania). Suite à son divorce, elle a vécu douze années d’alcoolodépendance. Continuant ses activités au sein de son Eglise, elle s’interrogeait alors sur la question du «politiquement correct parmi les chrétiens, ce qu’on n’attend et qu’on ne soupçonne pas d’eux». Songeant aux débuts de son addiction, elle explique: «J’avais en tête une image de l’alcoolique type, et ce n’était pas moi.»

C’est précisément ce genre d’idée que Dominique Fontaine, pasteur anciennement alcoolodépendant, veut briser. Il est régulièrement sollicité par des Eglises pour donner son témoignage. Son message principal: «L’alcoolisme est une dépendance dans laquelle tout un chacun peut tomber et il y a de l’espoir pour s’en sortir!» Le pasteur cherche à briser le silence sur l’alcoolisme parmi les chrétiens. Heather Kopp s’interrogeait fortement durant ses années de dépendance. Elle considérait l’authenticité de sa foi comme «une solution qui devait fonctionner, mais qui ne fonctionnait pas». La contradiction apparente entre sa dépendance à l’alcool et certains passages de la Bible la tourmentait. «En tant que chrétiens, on ne peut pas dire qu’on est impuissant face au péché. Si un chrétien n’est plus esclave du péché, comment prétendre être impuissant face à l’alcool?», pointe-t-elle.

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Péché ou maladie?

Les chrétiens sont quant à eux divisés: certains pensent que cette addiction relève surtout d’un problème d’ordre spirituel, tandis que d’autres y voient une pathologie. Péché ou maladie? «Ma propre expérience m’a montré, plus que toute théorie ou doctrine, que le problème est bien trop complexe pour pouvoir être expliqué dans un paradigme simple», écrit Heather Kopp. L’auteure a plusieurs fois été troublée par la considération que l’alcoolisme désigné comme une maladie est une façon d’excuser le péché.

Le pasteur Dominique Fontaine explique son cheminement dans l’alcoolodépendance, avec d’abord une consommation d’alcool joyeuse et conforme à sa personnalité. «Je suis un bon vivant et la consommation d’alcool faisait partie de mon personnage», explique-t-il. Au bout d’une vingtaine d’années d’addiction, il témoigne avoir réalisé un certain déni, souvent évoqué par les thérapeutes: «Je ne voulais pas comprendre et réaliser que l’alcool était devenu un péché pour moi. J’étais aveuglé quant à la gravité du problème. Je me séduisais moi-même. D’ailleurs je crois que la personne à qui j’ai le plus caché cette dépendance, c’est moi.» Pour un alcoolodépendant, qu’il s’ignore ou non, le contact avec l’alcool lance un processus, selon la majorité des addictologues. Une personne alcoolique pourrait ainsi ignorer qu’elle l’est avant les premiers verres. Claude, chrétien et ancien alcoolodépendant, indique que «l’addiction se déclenche au moindre gramme d’alcool. Quand une personne alcoolodépendante boit un verre d’alcool, son corps en réclame plus, alors que le corps d’une personne lambda ne réagira pas outre mesure.» Selon Ralph Peterschmitt, secrétaire général de la Croix-Bleue romande, «les causes d’une dépendance sont le plus souvent multifactorielles et comprendre que l’alcoolodépendance est une maladie est un pas important vers le rétablissement».

Soin de soi et des autres

Les chrétiens vulnérables face à l’alcool soulignent l’importance, lors de la Sainte-Cène, de proposer du jus de raisin comme alternative au vin. Il s’agit de ne pas déclencher un processus où la personne aurait besoin de consommer de l’alcool ultérieurement. C’est le cas aussi dans la sphère intime et amicale. Les témoignages font état de pièges régulièrement tendus innocemment par les proches. Heather Kopp et son mari avaient par exemple l’habitude, au début de leur mariage, de boire une bouteille de vin à deux tous les soirs à l’heure du repas. «Cela convenait très bien à Dave, puisqu’il n’était pas alcoolique. A ce moment, ni lui ni moi ne savions que je l’étais», se souvient l’auteure, qui buvait à nouveau plus tard dans la soirée. Elle ne pouvait pas non plus s’empêcher de s’enivrer après avoir bu quelques verres entre amis.

Ralph Peterschmitt indique des repères, pour soi et pour les autres. «Il existe les repères officiels de l’OMS par exemple, c’est-à-dire pas plus de deux verres par jour, et pas tous les jours. Au-delà de ce seuil, on parle de consommation à risque et il est sain de nous interroger sur notre relation à l’alcool. Il peut arriver à certaines personnes de réaliser qu’elles sont moins libres qu’elles ne le pensaient. En comprenant leur fonctionnement, elles peuvent veiller à leur liberté vis-à-vis du produit.» 

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Octobre 2021

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