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La série «The Chosen», entre engouement et critiques

© Youtube
Avec «The Chosen», le réalisateur Dallas Jenkins a créé une série innovante sur Jésus. Abondamment médiatisée grâce au bouche-à-oreille, l’œuvre résiste aux critiques.
Charlotte Moulin

La série «The Chosen» cumule les records. C’est d’abord la première série multi-saisons sur Jésus et ses disciples. C’est aussi le projet médiatique qui a connu jusqu’ici le plus grand financement participatif, avec plus de dix millions de dollars pour chacune des trois premières saisons. Ce système permet une diffusion mondiale gratuite.

Succès rapide

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Dallas Jenkins compte filmer sept saisons sur sept ans et atteindre rapidement un milliard de vues. Pour l’heure, «The Chosen», qui a décollé surtout avec le confinement, en cumule plus de 320 millions sur internet. Ainsi, selon l’historien Sébastien Fath dans une tribune en décembre, ce succès pourrait s’expliquer en partie par un besoin de «consolation» dans le contexte pandémique. «The Chosen» est disponible sur l’application éponyme et sur le site Angel Studios, créés par VidAngel, société américaine mormone, un élément parmi d’autres qui en dérange plusieurs. Elle est sous-titrée en plus de soixante langues et déjà doublée en douze d’entre elles.
Selon Eric Célérier, pasteur fondateur du Top Chrétien et l’une des figures de proue de la médiatisation de «The Chosen» en francophonie, ce qui retient l’attention dans la série tient d’abord à l’approche indirecte du personnage de Jésus, par le biais de ses disciples. De nombreux spectateurs témoignent en effet s’être reconnus dans l’un ou l’autre en particulier. De plus, les producteurs de films chrétiens cherchent habituellement à représenter la divinité de Jésus, selon le pasteur. «Dans “The Chosen”, on découvre aussi le Fils de l’homme, qui va vivre avec des gens.» «Et quand il vient rencontrer ces personnages et leur dit “Suis-moi”, l’impact est très fort», ajoute-t-il.

Réponse aux critiques

Les détracteurs, sur des sites web indépendants, reprochent cependant à Dallas Jenkins une trop grande liberté fictionnelle. En effet la série met en scène, entre les passages réellement bibliques, des épisodes absents des Evangiles. Le spectateur qui ne connaît pas la Bible ne fera en conséquence pas la différence entre ce qu’elle relate et ce qu’il voit à l’écran. D’après le réalisateur lui-même, les portions extra-bibliques représentent 95% du récit. Depuis 2020, Dallas Jenkins a publié de multiples vidéos de réponse aux critiques sur les réseaux sociaux. Il précise que «tout le récit est toujours soumis à un processus de vérification impliquant des érudits de la Bible». «Tout ajout culturel ou artistique est destiné à soutenir le caractère et les intentions des Evangiles», ajoute-t-il.
Par ailleurs, le réalisateur affirme régulièrement que «The Chosen» n’est «ni un documentaire, ni une œuvre d’évangélisation» en soi. Il indique que «“The Chosen” n’est pas une reconstitution verset par verset du récit biblique, mais plutôt un drame historique inspiré de la Bible.» L’objectif est de susciter la curiosité du spectateur pour la Bible et pour Jésus.

La place des femmes, novatrice

elle-aussi, est parfois dénoncée comme un féminisme mal placé. Le personnage de Marie de Magdala, notamment, fait polémique. «Il aurait été à la fois culturellement et moralement inapproprié pour une femme de voyager avec un groupe d’hommes»,
oppose la blogueuse Leslie Allebach sur Growing4Life. Le réalisateur, en réponse, cite Luc 8, 2-3: «Les douze étaient auprès de lui avec quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits malins et de maladies: Marie, dite de Magdala […], Jeanne, femme de Chuza, intendant d’Hérode, Susanne, et plusieurs autres.»

Un projet interconfessionnel

D’un point de vue confessionnel, le réalisateur s’est attiré les foudres de chrétiens de tous bords. Le romancier Jonathan Miles, par exemple, lui reproche son œcuménisme. Sa phrase «Nous aimons tous le même Jésus», lors d’une interview avec Saints Unscripted en 2020, fait notamment couler de l’encre. Le réalisateur lui-même, qui fréquente la congrégation évangélique Harvest Bible Chapel dans l’Illinois, martèle que la série ne se rattache à aucune dénomination.
En effet, tout le projet «The Chosen» est interconfessionnel, réunissant des mormons, des évangéliques, des catholiques, des juifs et des athées. La deuxième saison a d’ailleurs été filmée dans la «petite Jérusalem», immense plateau à ciel ouvert bâti par et pour l’Eglise mormone en 2011, en plein désert de l’Utah. L’équipe, en lunettes de soleil et masques anti-covid hors champ, est le premier groupe non mormon à avoir été autorisé à utiliser les lieux.

Audience télévisuelle décevante en France

En France, 486 000 téléspectateurs ont suivi la première moitié de la saison 1, le 20 décembre sur C8. Contre toute attente, une audience plutôt décevante pour le groupe Canal+. C’était pourtant la première fois que «The Chosen» était diffusé à la télévision. La suite, le 27 décembre, n’a réuni que 303 000 téléspectateurs. La série était d’abord arrivée dans le pays par le biais de Saje distribution au cinéma, le 13 décembre à Paris. Canal+, à qui appartient C8, avait déjà acheté les droits et fourni le doublage français. L’influence financière de Vincent Bolloré, catholique traditionaliste et actionnaire influent du groupe, a scellé la diffusion sur la chaîne.
Cela, Eric Célérier s’en moque. «Si nous, les chrétiens, nous ne nous réjouissons pas d’une telle œuvre et de sa diffusion, quand est-ce qu’on va se réjouir? L’apôtre Paul a écrit: “De toute manière, que ce soit pour l’apparence, que ce soit sincèrement, Christ n’en est pas moins annoncé” (Phil. 1, 18)», conclut-il. La flamme de la promotion de «The Chosen» n’est certainement pas près de s’éteindre. 

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