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«Face à l’obscurité, la foi commune est une lumière et une ancre»

© Bedair - Anne Reitsema en République démocratique du Congo.
Depuis avril, Anne Reitsema est la nouvelle directrice internationale de Medair. Entretien.
Maude Burkhalter

Depuis vos débuts avec Medair en 2004, vous avez dirigé plusieurs programmes nationaux avant de devenir directrice des programmes internationaux en 2019. Qu’est-ce qui vous a motivée à travailler dans l’humanitaire?

Je suis née en Afrique du Sud d’un père néerlandais et d’une mère américaine, qui ont passé leur vie à nouer des relations et à redonner espoir à la communauté zouloue. Ayant grandi avec cinq frères et sœurs et d’autres jeunes qui logeaient chez nous, j’ai goûté à la joie de la vie en communauté – la découverte du monde, les longues discussions animées autour de la table, les randonnées dans les montagnes et le plaisir d’observer la beauté de la Création. A ce jour, ma famille demeure une grande source d’encouragement et d’inspiration.
J’avais onze ans lorsqu’un conflit d’une violence extrême a secoué notre communauté. Cela a duré dix ans. Certains des jeunes Zoulous proches de ma famille y ont perdu la vie. L’expérience directe de ces conflits a fait naître en moi la passion de venir en aide à tous ceux qui sont touchés.

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Et qu’est-ce qui a permis votre évolution au sein de l’ONG?

Au départ, j’ai rejoint Medair avec l’intention de mettre à profit mon expertise en psychologie au sein des activités liées à la santé mentale. Très vite, je me suis retrouvée à des postes de responsabilité où ma formation psychosociale a servi d’une manière différente de celle que j’avais imaginée. Mon expérience s’est révélée extrêmement utile lorsque j’ai dirigé des équipes. L’une des choses qui me passionnent encore aujourd’hui est de voir des collaborateurs s’épanouir, gagner en efficacité et en confiance et, surtout, éprouver une joie croissante dans ce qu’ils ont à offrir. En communauté, à travers nos relations, nous pouvons incarner l’exemple de la reconstruction et de la réconciliation.
C’est une influence positive pour les contextes dans lesquels nous nous trouvons. Cette fraternité m’a permis de traverser des situations difficiles à maintes reprises. Face à tant d’obscurité, notre foi commune est une lumière brillante et une ancre qui nous pousse vers l’amour et l’espoir. Le fait de pouvoir regarder ensemble au-delà des réalités actuelles nous donne la force d’être une présence qui apporte la joie et la paix au milieu des crises.

Pourriez-vous revenir sur un moment de votre carrière qui a façonné votre vocation?

Lorsque je dirigeais notre équipe au Darfour en 2008, dans un contexte particulièrement intense, j’ai compris que nous n’étions pas sûrs d’en sortir indemnes. A un moment donné, nous avions prié pour la sécurité de collègues travaillant pour une autre organisation. Ils ont été attaqués d’une manière horrible. Le lendemain matin, je devais diriger le moment spirituel de notre équipe d’expatriés. J’ai lu le Psaume 121, 7: «Je te protégerai de tout mal» et une question s’est imposée à moi. Soit la Bible ment, soit Dieu a une autre définition du mal. En y réfléchissant, nous avons compris que la définition du mal pour Dieu est d’être séparés de son amour et que cela ne peut jamais nous arriver. Il est écrit que même la mort ne peut nous séparer de son amour. Si c’est vrai, alors nous voulons savoir ce que cela signifie vraiment d’être connectés à son amour et d’en profiter.

Ensuite, notre équipe internationale a organisé une série de réflexions sur ce que signifie faire l’expérience de l’amour de Dieu. Nous aimons parce que Dieu nous aime (1 Jn 4, 19). Il est notre source d’amour. Cela a été un véritable encouragement pour moi au fil des ans. Nous ne sommes pas parfaits. Lui l’est. Il est le Sauveur, nous ne le sommes pas. Nous voulons nous rendre disponibles pour être les mains et les pieds qui expriment son amour. Il nous fortifie dans les circonstances les plus difficiles et il nous porte.
Dès lors, quelle assurance de savoir qu’il a pris soin du plus important! Nous sommes en sécurité avec lui, rien ne peut changer ce fait. Personnellement, cela m’a permis de me rendre dans certaines zones de conflits les plus difficiles du monde, d’être confrontée à d’immenses souffrances, mais de savoir que tout ira bien grâce à qui il est, et de trouver la joie d’être l’instrument de son amour.

Quels sont les défis qui attendent Medair?

Tout d’abord, l’augmentation du nombre de crises et de personnes ayant besoin d’aide humanitaire, dans un contexte de difficultés économiques où les financements baissent constamment. Ensuite, au cours des vingt-quatre derniers mois, nous avons assisté à un changement majeur dans les dynamiques de pouvoir mondial, à une polarisation accrue et à un repositionnement de nombreux Etats.
Cela a eu un impact sur la façon dont nous sommes perçus, en tant qu’organisation humanitaire internationale confessionnelle. Il est tentant d’aborder ces temps avec crainte et anxiété, mais je crois que si nous restons fidèles à notre vocation, qui est de lutter pour la valeur de la vie humaine dans les endroits les plus difficiles d’accès, nous pouvons continuer ce que nous avons entrepris, en devenant plus agiles au fur et à mesure que nous avançons. Le principal prérequis, c’est que nous soyons portés dans la prière par beaucoup de ceux qui nous soutiennent dans ce travail, et ceux qui liront ces lignes!
En outre, le maintien de la qualité de nos activités est essentiel. Elle sera le moteur de la croissance qui s’impose à l’heure actuelle, même si elle diffère de ce que nous avions envisagé. A quoi ressemble le contrôle de la qualité dans le cas d’une organisation comme la nôtre? Il peut s’agir de sélectionner les médicaments les plus efficaces pour traiter les enfants, par exemple, ou de ne pas nuire aux communautés que nous côtoyons. Sans norme de qualité, tout ce que nous faisons est une perte de temps.

Comment les chrétiens pourraient-ils améliorer leur engagement humanitaire?

Les chrétiens ont un avantage: leur source d’espoir et leur compréhension de l’attention que Dieu porte aux plus vulnérables. Les chrétiens ont l’immense privilège de pouvoir prier et intercéder pour ceux qui sont touchés par les conflits les plus extrêmes, les épidémies et les catastrophes de ce monde. Intercéder, c’est se sentir suffisamment concernés pour chercher à comprendre ce qui se passe, et prier sincèrement.
En tant que chrétiens, nous devons répondre à l’appel de prendre soin de notre prochain et être prêts à sortir de notre zone de confort dans la prière, le don, ou l’engagement pour le bien des autres.

En temps de crise, quel passage biblique vous fortifie?

Romains 8, 38-39: «Car j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.»

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