Et si on payait un peu mieux les artistes chrétiens?
Pouvez-vous en quelques mots expliquer le concept de «Top Music»?
Top Music est historiquement la catégorie musique du site Top Chrétien, dont la vision spécifique était de donner un accès gratuit à de la musique chrétienne pour qu’elle soit une source de bénédiction dans la francophonie. Il y a trois ou quatre ans, nous avons démarré une réflexion sur le sauvetage de la musique chrétienne qui, à l’instar de toute l’industrie musicale, peine à trouver un modèle économique depuis la chute des ventes de supports physiques (CD). Le nouveau TopMusic est une application, gratuite ou avec abonnement, qui permet de faire découvrir l’étendue du catalogue chrétien, tout en permettant aux utilisateurs de soutenir les artistes. La nouvelle application devient un moyen pour les fans et les artistes de se retrouver et s’encourager. On s’adresse aux consommateurs de musique chrétienne en francophonie, principalement évangéliques mais aussi catholiques, qui sont engagés dans les projets des artistes.
Publicité
Quelle est la situation de l’industrie musicale? Et spécifiquement celle de la musique chrétienne francophone?
Si on prend en compte l’industrie musicale dans son ensemble, aujourd’hui, avec l’inflation, on est au deux tiers des revenus des artistes en 1999. En termes de rentrées financières pour les artistes, le téléchargement n’a pas pris la relève du CD, encore moins pour les chrétiens. Il y a très peu de relais pour la musique chrétienne en particulier. Les rares artistes chrétiens qui tournent sont soit des pasteurs ou sont soutenus par leurs diocèses, si on parle des catholiques. Très peu vivent directement des revenus de leur musique.
Via cette application, comment souhaitez-vous pallier à ces problèmes?
Nous sommes fiers de l’application, qui est innovante sur plusieurs aspects. Premièrement, nous proposons un catalogue composé à 100% d’artistes chrétiens. Nous souhaitons par ailleurs impliquer le fan avec un modèle d’abonnement qui permet de répartir 90% de cet abonnement aux artistes qu’il choisit.
Aujourd’hui, les modèles économiques pour les plateformes de streaming musical que sont Deezer, Spotify ou Apple Music proposent un abonnement premium payant ou un accès gratuit mais avec de la publicité. Pour quelques euros ou francs par mois, l’amateur de musique a accès à une infinité de titres musicaux, ce qui au niveau du tarif est sous-évalué par rapport à l’offre proposée. Surtout cela ne va pas suffisamment rémunérer les artistes «petits» et «moyens» en notoriété (et non en qualité). Avec le modèle économique actuel de ces plateformes, plus tu écoutes de musique, plus tu vas aspirer et diriger les revenus vers les artistes que tu écoutes. C’est un modèle winner takes it all (le gagnant prend tout, ndlr.) qui va à l’encontre des niches musicales. Cela favorise ceux qui sont déjà connus. Or la musique chrétienne est une musique de niche.
Sur Top Music, l’idée c’est que l’utilisateur rémunère uniquement les artistes qu’il écoute. L’abonnement est variable. Il commence à 5 euros/francs par mois mais peut être plus important et monter à 10, 15 ou plus euros/francs en fonction du souhait d’engagement. Cet argent est transformé en «coins» sur la plateforme. Ceux-ci permettent de soutenir les artistes. 90% de l’abonnement peut être réparti par l’utilisateur qui choisit qui il soutient. Le reste est redistribué en fonction du nombre d’écoutes.
Dans le milieu musical chrétien, comment passer d’une culture du bénévolat vers une professionnalisation?
C’est un peu typique des milieux chrétiens francophones que de faire les choses avec une part de gratuité. Mais ce système a ses limites, surtout quand on cherche à atteindre une large audience et monter en professionnalisme. Au niveau des artistes chrétiens, un écosystème est en train de se créer autour du Booost Music Group pour aider les artistes dans leur production et leur distribution. Nous avons découvert par exemple que beaucoup d’artistes chrétiens n’étaient pas inscrits à la Suisa en Suisse ou à la Sacem en France, des sociétés de gestion des droits d’auteur.
La vision avec Top Music et cette augmentation des revenus reversés aux artistes chrétiens est de leur donner un avantage compétitif pour les faire briller dans la société. Il s’agit de les aider à passer un pallier dans la professionnalisation et ensuite toucher une population plus large, pour délivrer un message porteur de sens, qui reflète la bonne nouvelle de l’Evangile. On conserve l’ADN missionnaire des origines de Top Music, mais dans une société commerciale dans laquelle Top Mission est actionnaire. La vocation missionnaire est explicite dans les statuts de l’entreprise. Nous diffuserons seulement les artistes qui valident la confession de foi et qui publiquement affichent des valeurs qui correspondent à ce qu’ils confessent.
Quels sont les enjeux missionnaires de la diffusion de la musique chrétienne?
Ils sont multiples. A la fois dans la musique elle-même, ses paroles, mais aussi dans l’équité des modèles de rémunération, et bien sûr dans la manière de faire du business. Sur le premier point, nous avons fait une étude sur la part de morceaux explicit (contenus faisant une référence claire à la sexualité ou à la violence) dans les tops 50 musicaux français. Depuis 2010 et l’avènement des plateformes de téléchargement en ligne, les musiques explicit content sont passées de moins de 5% à près de 50% des chansons les plus écoutées. Non seulement les plateformes déséquilibrent les revenus pour les artistes et les producteurs mais elles poussent aussi vers des contenus aux paroles plus violentes, misogynes, vulgaires. Il est urgent de sortir d’une monoculture et de proposer de la diversité. En recréant des liens entre fans et artistes, nous pouvons permettre à des artistes chrétiens d’apporter de la lumière.