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Émeutes: le cri de la rue

© Getty Images
Plusieurs facteurs déclencheurs, mais combien de solutions? Micro-trottoir sur les émeutes qui ont éclaté en France cet été.
David Nadaud

«Arrêtez de nous voir comme des bêtes, nous aussi, on a besoin de recevoir de l’amour!» Cette phrase percutante a été confiée à Hocine Tabti, évangéliste dans les rues de Marseille, pendant un temps d’échange avec des jeunes. «Aime ton prochain comme toi-même tout simplement», clame celui qui, depuis quarante ans, évangélise régulièrement les quartiers difficiles de Lyon ou de la cité phocéenne. Il y a plus de vingt ans, les rappeurs Kool Shen et JoeyStarr conseillaient aux pères de banlieue d’aimer leurs enfants et de les protéger dans la chanson «Laisse pas traîner ton fils!». Aujourd’hui, qu’en est-il des émeutes qui ont embrasé la France? Pourrait-on se risquer à y déceler une demande implicite d’être aimé? Considéré?

Grégory (prénom d’emprunt) est membre de la Police nationale: «J’en ai parlé avec certains jeunes: pour eux, ces émeutes sont un simple jeu. Comme ils savent qu’ils ne risquent pas grand-chose, ils sont parfaitement conscients qu’ils peuvent se permettre ces violences, tout simplement.» Même constat du côté de Samuel (prénom d’emprunt), ancien instructeur en gendarmerie: «Le peu que j’ai discuté avec des jeunes lors d’interpellations, ils ne savaient pas trop pourquoi ils étaient là, si ce n’était pour faire comme les autres.»

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Des émeutes liées à «un vide de loi»

Parmi les personnes interrogées dans le cadre de ce micro-trottoir, trois d’entre elles ont grandi dans des quartiers sensibles. Gabriel (prénom d’emprunt) est devenu éducateur sportif, Grégory a été plombier chauffagiste pendant dix ans avant de reprendre ses études pour entrer dans la police: «Moi, je voulais être policier parce que je voulais simplement aider les autres. Au contraire de ce qu’on pense, être policier, ce n’est pas taper sur les gens ou les verbaliser; c’est d’abord leur venir en aide, et c’est ce qu’on fait au quotidien.»

Mickaël enseigne l’histoire en faculté. «Pour moi, le cycle des émeutes – qui s’est ouvert en France en 2005 et qui s’est poursuivi cet été – n’est pas à proprement parler le fruit d’une colère. Dans une colère, il y a souvent des revendications plus ou moins précises. Or ce que je constate, dans le cas des banlieues dites “sensibles” c’est que les émeutes sont plutôt l’expression d’un vide existentiel et surtout d’un vide de loi, le tout conjugué à une culture de la consommation et une absence d’autorité.»

Samuel reprend: «La jeunesse a besoin d’un modèle et ne trouve pas dans le “modèle républicain” un modèle à suivre.» «Quand une autorité abandonne son mandat», complète Mickaël, le professeur d’histoire, «elle finit soit par être renversée, soit par être tournée en dérision et par être moquée. Et c’est ce que l’on voit aujourd’hui, dans le rapport des gens à la police, aux professeurs et à l’Etat.»

Quelles solutions pour des chrétiens?

Alors qu’il était encore étudiant, Mickaël faisait partie d’une équipe de l’association chrétienne Quartier Libre et participait à des temps d’animation et d’évangélisation de son quartier. Aujourd’hui, il déclare: «Il faudra des démonstrations extrêmement fortes dans les banlieues. Le témoignage chrétien devra être puissant pour renverser des forteresses d’orphelins…»

«J’ai vraiment de l’espoir!» déclare à son tour Hocine Tabti, qui a participé à plusieurs initiatives en faveur de jeunes en rupture avec l’association En Action pour les Nations. «J’ai vu des fruits! Parmi les jeunes qu’on a amenés à des camps, plusieurs nous ont remerciés. Même s’ils ne se sont pas convertis, ils se sont réinsérés dans la société et ça nous a vraiment encouragés dans l’association. Quand on arrive à en sortir un ou deux, c’est déjà beaucoup, parce qu’il y a beaucoup de travail à faire dans les quartiers.»

«Une des clés pour les banlieues», conclut Mickaël, «c’est que seule une manifestation, une illustration incarnée de l’amour de Dieu, mais aussi de l’amour qui peut être exercé dans le cadre d’une famille et d’une communauté, pourra être une démonstration suffisamment importante par rapport à cette situation inextricable.»

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Octobre 2023

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