Les évangéliques romands, en particulier les charismatiques, seraient sous l’influence d’un groupuscule radical américain intéressé à prendre le pouvoir politique. L’enquête menée par le sociologue Philippe Gonzalez, publiée mi-janvier sous le titre Que ton règne vienne (éd. Labor & Fides) juge sérieuse la menace d’une radicalisation du protest antisme évangélique suisse.
En décortiquant les idées qui sous-tendent le discours des responsables charismatiques romands, il démontre en particulier l’influence de l’Américain Peter Wagner et de son réseau prophétique international, à l’origine de la Nouvelle Réforme Apostolique (NAR). Le sociologue met en lumière les liens entre la gouvernance apostolique et le développement du «dominionisme», un mouvement issu de ces conservateurs américains et qui cherche à influencer ou contrôler le gouvernement civil à travers l’action politique: la conjugaison d’un engagement à réaliser la volonté de Dieu et à dominer sur la création, tout en luttant pour reprendre du terrain à l’Ennemi au profit du Royaume de Dieu. Cette ligne théologique explique une présence massive des évangélique au sein de la Moral Majority outre-Atlantique.
Mais partant de là, comment Philippe Gonzalez arrive-t-il à la conclusion que les Romands pourraient être tentés par le chant des sirènes de la NAR?
Dans son volumineux ouvrage technique, les chants aux paroles guerrières, les Journées nationales de prière, les actions de «Prière pour la Suisse», le discours de plusieurs personnalités évangéliques dont l’intercesseur au Palais fédéral ou encore certains rassemblements prophétiques comme «Discerner les temps» ou «The Call Genève» ont été analysés à la lumière des idées de la NAR. Le doute n’est à ses yeux pas permis. Les évangéliques romands sont d’après lui bel et bien tentés par la même dérive que leurs cousins américains.
«L’érosion des derniers vestiges moraux et culturels liés à la chrétienté perturbe les évangéliques», écrit le sociologue en préambule de son ouvrage. La marginalisation croissante du christianisme a poussé une frange de croyants à la radicalité. Elle a pris la forme de combat spirituel et de guerre déclarée dans la prière, le chant et l’évangélisation. «La mode du combat spirituel territorial a désinhibé l’engagement politique des évangéliques. Et la conception combattante et conquérante de la louange a fait sauter un verrou qui ne se situe pas uniquement dans la sphère spirituelle peuplée de démons.»