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«Nous avons le mandat biblique de protéger les enfants»

Megan Kelly rend visite à une Eglise partenaire de première ligne au Togo pour une orientation et une formation sur la protection de l’enfance
© Compassion International
Pourquoi les organisations chrétiennes devraient-elles être à la pointe dans le domaine de la protection des enfants? Le point avec Megan Kelly, responsable de la protection de l’enfance au sein de l’ONG Compassion International, représentée en France par le SEL. Entretien.
David Métreau
Megan Kelly avec sa filleule Naome en Ouganda
© Compassion InternationalMegan Kelly avec sa filleule Naome en Ouganda

Quel est le rôle du programme de protection de l’enfance de Compassion International?

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Depuis notre siège de Colorado Springs aux Etats-Unis, mon équipe et moi soutenons les vingt-cinq responsables de programmes dans les pays dans lesquels nous travaillons, pour prévenir spécifiquement la maltraitance des enfants. Nous travaillons pour nous assurer que nos activités sur place soient sûres et saines mais nous nous intéressons aussi au contexte plus large. Qu’importe où un abus a lieu, il sera une barrière au développement de l’enfant, dans sa santé, et cela rendra encore plus difficile la sortie de la pauvreté extrême.

Nous travaillons donc avec les familles et les communautés pour avoir une influence dans les régions où ils vivent. Si notre rôle est de libérer les enfants de la pauvreté au nom de Jésus (la devise de Compassion, ndlr) et si nous aidons les enfants à s’épanouir de manière holistique, alors nous avons besoin de l’environnement le plus sûr et le plus sain dans lequel ils puissent grandir.

Fin janvier, Compassion International a obtenu la certification de niveau 1 de l’organisation Keeping Children Safe (KCS). Qu’est-ce que cela représente?

La certification de Keeping Children Safe a été un moyen pour nous d’inviter des experts à avoir un regard sur nos procédures, pour savoir si nous faisons les choses correctement. C’est l’occasion de recevoir des recommandations et des suggestions. Cette certification atteste que nous avons atteint et même dépassé les standards demandés. C’est une grande satisfaction, mais nous voulons croître et nous améliorer continuellement. Nous avons demandé un audit avant même qu’il y ait un dysfonctionnement.

Pourquoi les organisations chrétiennes devraient-elles être à la pointe dans le domaine de la protection des enfants?

En tant que chrétiens, nous avons le mandat biblique de protéger les enfants. Jésus était clair là-dessus. La protection, le soin, l’amour et le respect des enfants étaient au cœur de son ministère. Il a littéralement pris des enfants sur ses genoux, il a clairement dit des choses comme «mieux vaudrait pour lui être précipité dans le lac avec une pierre de meule attachée au cou que de provoquer la chute de l’un de ces petits» (Luc 17, 2). Le message de notre Sauveur est très clair.

C’est merveilleux de voir Compassion et d’autres organisations chrétiennes prendre ce mandat biblique au sérieux et être en mesure de consacrer du temps, de l’énergie et une parole publique pour dire que les enfants sont importants. Ils méritent d’être protégés dès la conception. Cela nous appelle aussi à l’humilité. Ce n’est pas parce que nous sommes chrétiens ou que nous travaillons avec des chrétiens que des abus ou de mauvaises choses ne peuvent pas aussi arriver.

Les enfants des familles les plus pauvres sont-ils davantage concernés par les abus ou les violences?

Des recherches suggéreraient certainement qu’avec les difficultés supplémentaires dans les zones socio-économiques à faible sécurité alimentaire, le risque de violence à la maison est accru. Il y a aussi des facteurs de stress dans la communauté qui peuvent venir de pratiques culturelles ou traditionnelles et qui ne sont pas dans l’intérêt supérieur des enfants. Parler de ce qui se passe derrière les murs d’une maison familiale est très tabou et nous devons donc nous efforcer de remettre en question ces traits culturels.

Ces dernières années, plusieurs ONG internationales ont été secouées par des scandales sexuels impliquant des salariés et des bénéficiaires. Comment prévenir ce type d’abus et en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants?

Toute allégation d’abus est prise au sérieux et fait l’objet d’une enquête. Nous avons des procédures spécifiques en place et des personnes responsables auxquelles nous avons donné une formation spéciale pour accueillir l’information et la faire remonter. La plupart des abus subis par les enfants viennent de leur environnement quotidien: la maison, l’école ou la communauté. Nous aidons donc les centres d’accueil rattachés à des Eglises locales à s’engager dans de bonnes relations avec les services sociaux, à développer des relations avec les parents et les soignants pour avoir des informations sur ce qui se passe. Il s’agit de mobiliser les ressources nécessaires pour s’assurer que l’enfant est en sécurité et qu’il a la possibilité de guérir de ses traumatismes.

Nous avons également des membres du personnel dont le travail à plein temps, dans chacun de nos bureaux, est d’être ce spécialiste de la protection de l’enfance, pour fournir ce soutien au personnel des centres pour pouvoir continuer à faire des recommandations et enquêter si nécessaire. Si nous en avons besoin, cette remontée d’information vient jusqu’à mon bureau ici au Colorado (Etats-Unis), où se trouve notre siège international. La protection des enfants n’est pas un simple complément au ministère mais c’est le fondement de Compassion. C’est une priorité absolue.

Ce que j’ai appris en travaillant dans ce domaine c’est que la protection de l’enfance ne se résume pas à une formation unique. Il s’agit d’un travail de chaque instant et d’une conversation à long terme. Nous devons continuellement mettre ce sujet sur la table et intégrer de manière intentionnelle la protection de l’enfance dans tout ce que nous faisons.

Quel rôle les personnes parrainant les enfants depuis la Suisse ou la France jouent-elles?

Les parrains sont engagés et impliqués dans la vie des enfants qu’ils soutiennent. Ces relations pénètrent dans l’espace de protection de l’enfant de manière unique. Récemment par exemple, l’un de nos bureaux partenaires m’a dit avoir reçu des informations préoccupantes dans la lettre d’un enfant à ses parrains.

Cet enfant subissait de la violence à la maison en raison de problématiques liées à l’abus d’alcool. Il avait eu l’intuition que son parrain était une personne sûre à qui il pouvait se confier. Nous avons pu travailler avec l’Eglise locale pour rendre l’environnement de cet enfant plus sain. Des responsables de l’Eglise ont cheminé avec ses parents pour les amener à soigner leur dépendance. Nous avons donc suggéré au parrain d’écrire à l’enfant pour qu’il puisse continuer à être ce soutien. Il est important que cet enfant sache que le parrain, Compassion et l’Eglise locale travaillent tous ensemble pour son bien et pour son avenir.

Propos recueillis par David Métreau

Article rédigé dans le cadre d’un partenariat avec le SEL

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Mars 2021

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