La solidarité familiale face à la crise à Nauru

«L’alcoolisme et le tabagisme sont parmi les fléaux de l’île de Nauru, mais aussi de l’Eglise, malheureusement», déclare d’emblée Adam McGeorge, missionnaire dans ce petit pays situé au milieu de l’océan Pacifique. En plus d’être la plus petite république indépendante du monde, Nauru est aussi l’un des pays les plus isolés.
La pandémie renforce cette situation en limitant les entrées et sorties de l’île à un unique vol tous les quinze jours à destination de Brisbane, l’une des métropoles de l’Est de l’Australie.
Une île défigurée
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Pasteur d’une Eglise baptiste indépendante, Adam McGeorge, originaire d’Australie, a reçu un appel missionnaire pour ce pays lors de ses études de théologie aux Etats-Unis. Il habite à Nauru depuis douze ans avec son épouse Christina et leurs trois garçons.
Si près de 90% des 11 000 habitants du micro-Etat appartiennent à diverses confessions chrétiennes, pour Adam McGeorge, ce christianisme est, à l’instar de la situation dans les pays occidentaux, «souvent plus culturel et identitaire que significatif d’une relation avec Dieu». Le Joshua Project y dénombre 13% d’évangéliques.
Loin des clichés de sable fin et de cocotiers, le tourisme n’est quasiment pas développé à Nauru, et pour cause. L’île a été défigurée par plusieurs décennies d’extraction de phosphate, utilisé pour certains engrais et produits de lessive. Fraîchement indépendante, la république connaît une immense richesse dans les années 1970, atteignant le deuxième produit intérieur brut par habitant au monde, juste derrière l’Arabie Saoudite. Ce développement économique fulgurant entraîne une surconsommation, mais aussi des problèmes de santé publique.
Cette situation s’aggrave quand le pays tombe en crise. Fin des années 2000, près de neuf adultes sur dix sont en surpoids, quand la moitié souffrent de diabète. Le tabagisme et l’alcoolisme font des ravages, surtout depuis que les ressources minières diminuent, entraînant le krach de l’économie locale. En effet, l’ensemble de la population ou presque travaille alors directement ou indirectement pour les carrières, qui ont occupé les quatre cinquièmes de la surface de l’île.
Solidarité familiale
«Cette situation a laissé des traces et pas seulement sur le paysage», déclare Adam McGeorge. Il déplore de nombreux cas de violences conjugales, souvent en lien avec la consommation d’alcool. Si le chômage est massif, la population vit aussi d’économie informelle, notamment grâce à la pêche, souligne le pasteur. Dans son Eglise, qui rassemble régulièrement entre 30 et 50 personnes, comme dans l’ensemble du petit pays, «la solidarité familiale est importante. L’entraide familiale se substitue aux aides sociales insuffisantes voire absentes.»
Aujourd’hui Adam et Christina McGeorge cherchent à former des cadres locaux pour leur Eglise et à la rendre autonome, y compris financièrement.
Après avoir tâtonné pour gérer son après-phosphate en devenant un paradis fiscal, puis en accueillant contre une rétribution des camps de réfugiés expulsés d’Australie, Nauru cherche aussi à être autonome et à réformer sa structure économique et sociale. Et si la solidarité familiale qui s’y vit déjà était un premier élément de réponse?
