La mer, champ de bataille des grandes puissances
«Qui tient la mer tient le commerce du monde; qui tient le commerce tient la richesse; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même», écrivait à la fin du seizième siècle le protestant Sir Walter Raleigh, écrivain, officier et explorateur anglais.
«Jamais cette citation n’a été aussi vraie qu’aujourd’hui», avance Cyrille Coutansais, directeur de recherche au CESM de Paris, dans la série radiophonique Les Saigneurs de la mer, diffusée au mois de juillet sur la RTS. «Nos économies dépendent totalement des océans, 90% des échanges en volume se font par voie maritime.»
La guerre a lieu sur l’océan
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Tous les quatre ans, la Chine produit autant de tonnage qu’en compte aujourd’hui la Marine française. Si sur la terre comme sur les mers, la puissance militaire américaine est plus que hégémonique - l’US Navy égale quasiment le tonnage des six autres flottes militaires les plus importantes - cette domination sans partage est contestée. En plus de la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Japon fabriquent frégates, sous-marins ou portes-avions pour (re)prendre le contrôle de leurs mers. La Russie n’y échappe pas et construit une puissance navale manifeste, accompagnée d’une politique agressive, en témoignent par exemple les incursions des sous-marins russes détectées en 2016, près des côtes françaises. Dans le même temps, la Chine a presque doublé son produit intérieur brut (PIB) et l’Inde affiche un taux de croissance qui a de quoi faire pâlir la quasi-totalité des économies occidentales.
Des données véhiculent sous l’eau
La marchandise la plus échangée au monde, le pétrole, est un symbole de cette mondialisation effrénée. Transité essentiellement par la mer, il s’échange sur des navires de plus en plus longs et volumineux. Par ailleurs, 99% du réseau internet passe par des kilomètres de câbles en fibre optique sous la mer, contenant des données sensibles: financières, de défense et personnelles. La domination militaire des océans est devenue un enjeu incontournable pour le contrôle du commerce mondial.
Regarder qui contrôle les mers nous rappelle que le monde est dominé par les puissants, en particulier par ceux qui ont une large façade maritime et la plus grande flotte. Ce n’est pas nouveau, dès l’Antiquité, les Romains contrôlaient leur Mare Nostrum qui permettait de diffuser leur Pax Romana. Les empires coloniaux, l’empire britannique en particulier, se sont construits grâce au commerce, protégés par leurs flottes redoutables. Les comptoirs d’antan ont laissé place aux bases militaires américaines adroitement situées près des nœuds stratégiques, comme aux Emirats Arabes Unis, près du détroit d’Ormuz, ou à Djibouti, sur le Golfe d’Aden.
Un droit de passage
Curiosité juridique, les navires militaires peuvent se déplacer sur toutes les mers du globe sans avoir à demander d’autorisation, bénéficiant d’un droit de passage inoffensif, selon la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982. En revanche, les navires commerciaux, dès qu’ils entrent dans les eaux territoriales, tombent eux sous le coup de la loi du pays auquel elles appartiennent. Est-ce un passe-droit pour les puissants? La légendaire liberté de la mer est-elle menacée?
«La liberté des mers est pour tout le monde: la marine marchande ou militaire, les navires de plaisance, etc.», déclare Eric André, ancien président de l’entreprise vaudoise Suisse-Atlantique, qui gère la plus grande flotte de navires battant pavillon suisse. «La marine militaire n’a aucune forme d’influence ou de contrôle sur la marine marchande, sauf une certaine protection au passage de la Somalie à cause de la piraterie», explique l’armateur.
Les chrétiens aussi partent en mer
Pourquoi donc autant d’échanges commerciaux sur les océans? «Le transport maritime est et restera toujours le plus important au monde, car c’est celui qui est le moins cher et celui qui pollue le moins, par rapport aux quantités transportées.» Les plus grands porte-conteneurs relient Shanghai à Rotterdam, jusqu’à 360 000 tonnes de marchandises en une vingtaine de jours, avec seulement seize membres d’équipage.
Si c’est bel et bien sur les océans que se joue l’équilibre de notre monde, c’est tout naturellement que des chrétiens prennent le large, pour apporter une aide médicale, humanitaire ou encore spirituelle. Les navires-hôpitaux des organisations non gouvernementales Mercy Ships, Opération Mobilisation ou Jeunesse en Mission, par exemple, sillonnent les eaux du globe et permettent d’annoncer Celui qui tient la mer.
David Métreau